Tout comme l’étiolement du canari dans la mine annonçait un coup de grisou, les variations de parcours des oiseaux migrateurs apparaissent comme les signes précurseurs d’un bouleversement mondial : le changement climatique.
Désorientés par un temps imprévisible, les volatiles changent leurs habitudes et leur trajet pour s’adapter aux hivers plus doux, à la disparition de leurs aires d’alimentation et à la réduction des terres humides. C’est ça ou l’extinction, selon les spécialistes réunis ce week-end à Bonn pour la Journée mondiale des oiseaux migrateurs.
Le changement climatique aggrave la situation d’animaux qui subissaient déjà les conséquences de l’activité humaine, avec la construction du littoral par exemple. "Nous assistons à une retraite organisée. Le danger du changement climatique est que la retraite devienne une déroute", prévient Robert Hepworth, secrétaire exécutif de la Convention sur la préservation des espèces migratrices (CMS ou Convention de Bonn, qui dépend des Nations unies).
Car le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui rassemble quelque 2.500 scientifiques du monde entier et fait référence en la matière, estime que de fortes émissions de gaz à effet de serre devraient provoquer un réchauffement global d’au moins deux degrés à l’horizon 2100, et la disparition de 20 à 30% des espèces animales connues.
Les oiseaux migrateurs sont particulièrement vulnérables car le changement climatique peut avoir des conséquences à chaque moment de leur voyage, que ce soit au sol ou dans les airs. Le permafrost et la toundra, où de nombreuses espèces viennent s’alimenter, voient leur surface diminuer ; la montée des eaux, même modeste, peut recouvrir les zones humides où les volatiles se restaurent ; le désert avance, ce qui rallonge les distances de vol.
Qu’ils arrivent trop tôt ou trop tard à l’étape, et les migrateurs risquent la famine car les insectes, le plancton ou le poisson ne se trouveront pas encore ou plus au rendez-vous habituel. Avec le radoucissement de l’hiver, certains oiseaux ont carrément cessé de migrer et risquent d’être surpris en cas de retour d’un hiver froid.
"Des espèces qui se sont adaptées aux changements sur des millénaires doivent maintenant le faire extrêmement rapidement à cause de l’élévation rapide des températures", constate Robert Hepworth. "Nous ne savons pas combien survivront. Nous allons perdre des espèces", prédit-il. Il se souvient des cygnes de Bewick arrivant du Nord de la Russie et formant en été de superbes "V" dans le ciel de sa Grande-Bretagne natale : ils sont de moins en moins nombreux aujourd’hui.
Autre exemple : le bécasseau maubèche (Calidris canutus). Cet oiseau de taille moyenne qui niche en Sibérie et migre vers l’Afrique du Sud, maigrit de moitié lors du voyage, qui l’épuise totalement. L’extension des déserts d’Afrique du Nord pourrait venir à bout de sa résistance physique.
Selon le conseil scientifique de la Convention de Bonn, 84% des 235 espèces à protéger répertoriées dans les annexes de ce traité pourraient être affectées par la modification des ressources en eau, un accès irrégulier à la nourriture, des tempêtes plus fréquentes et l’intrusion dans leur habitat d’espèces étrangères.
Les 101 pays qui ont signé la convention de Bonn, entrée en vigueur en 1983, se sont engagés à coopérer pour protéger l’habitat de la faune sauvage.
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