Guy Konopnicki
Ce matin, je vais faire une chose que je déteste : accompagner une amie au cimetière de Bagneux. Rosine Goldberg a été foudroyée par un accident vasculaire. Des années d'amitiés, quelques combats communs et en plusieurs affaires de presse, mon avocate. Je ne sais si je dois évoquer les sorbets Berthillon qu'elle apportait régulièrement chez nous les soirs de fête ou s'il me faut plutôt me souvenir d'une plaidoirie brillante, quand j'étais poursuivi par un descendant de Louis Lumière, pour avoir rappelé sur France Culture les points obscurs de l' histoire des inventeurs du cinéma. C'était au cours d'un Panorama de France-Culture, à propos du film de Wim Wenders sur les deux fondateurs allemands du cinéma, deux frères aussi, dont l'un mourut dans un camp et l'autre en exil. Très beau film de Wenders, mais une consoeur qui n'avait rien compris avait lancé un cocorico déplacé : "ce ne sont tout de même pas les Allemands qui ont inventé le cinéma, ce sont des Français". J'avais rétorqué : "ce ne sont pas les pionniers allemands du cinéma qui sont devenus nazis, mais les Français, Auguste et Louis Lumière".... Auguste, membre du comité d'honneur de la LVF, Louis, membre du Conseil national de Vichy ! Devant la 17ème Rosine Goldberg fait une démonstration, textes à l'appui.Dont un discours de Louis Lumière, devant l'Académie des sciences en 1943, où il appelle à la coopération avec la science allemande, dont les progrès sont à ses yeux époustouflants, en plusieurs domaines dont l'étude des races humaines. Rosine utilise un témoignage de Jean-Pierre Azéma qui cloue le bec à nos adversaires : "Monsieur le président, l'historien Jean-Pierre Azéma nous précise que le terme en usage s'agissant de Français aussi compromis que les frères Lumière n'est pas nazi mais ultra collaborationniste. Seulement, mon client intervient chaque samedi dans une émission en direct, et vous ne pouvez lui demander d'employer ultra collaborationniste, au risque de bafouiller devant le micro ! " Et elle ajoute : " La nuance, vous savez me semble bien mince. A la radio, mon client ne pouvait montrer cette photo de Louis Lumière, reçu à Berlin par les dignitaires nazis, dès 1935. Ni celle d'Auguste Lumière, saluant la parade des volontaires français portant l'uniforme allemand"... Nous avons gain de cause. Merci maître, merci chère Rosine Goldberg pour ce souvenir et pour tant d'autrs. A tout à l'heure, 12h, ce vendredi, au cimetière parisien de Bagneux. Puis, vers 14 heures, au Cercle Bernard Lazare, 10 rue St Claude.
( edith ochs )