lettre du dr Claude Bloch, psychiatre, à M. Cazeneuve
Le 26 juillet 2014, manifestation place de la République
Alors, lorsque les premiers objets ont commencé à voler, que les premières vitres ont été cassées et que ça a commencé à courir dans tous les sens, j’ai estimé qu’il était temps pour moi, de m’éloigner et de rentrer chez moi, dans le Marais. Pensant que la station de métro République serait fermée, par prudence et compte-tenu des évènements, je suis allé à la station suivante, Strasbourg-Saint-Denis. Et, je me dois ici, Monsieur le Ministre, de vous relater un épisode qu’aucune caméra n’a pu filmer et qu’aucun de vos hommes n’a pu voir car ils étaient tous bien trop occupés, en surface. J’ai pris la ligne 8, direction Créteil. A la station République, que je croyais, à tort, fermée, j’ai soudain entendu et, juste après, vu, un très grand groupe, une bonne centaine au moins, d’ex-manifestants qui ont déboulé sur le quai en hurlant, en tapant sur tous les objets à portée de leurs mains et qui vociféraient: «Palestine! Palestine! Palestine!». Ça faisait un bruit énorme et ils se sont engouffrés, pour la plupart, dans le wagon de tête et les autres dans les 2-3 wagons suivants, mais toujours en hurlant, en vociférant et en tapant. Vous pouvez me croire, Monsieur le Ministre, c’était très impressionnant et je dirais même très effrayant. Les passagers, moi y compris, n’attendions et n’exprimions tout fort qu’un seul souhait, qu’une seule attente anxieuse: «alors, il les ferme ces portes, il va bientôt démarrer ce p……..de métro». A la station Filles du Calvaire, la rame ne s’est pas arrêtée; à la station St-Sébastien Froissart, la rame ne s’est pas arrêtée non plus et notre métro commençait à ressembler à un train fou, sans plus de conducteur.
Monsieur le Ministre, j’ai vécu, nous avons tous vécu je crois, un moment proche de la terreur. Et en écrivant ce mot, je pèse mes mots! Les membres de la horde sauvage, car s’était bien d’une horde sauvage qu’il s’agissait, sont sortis des wagons (ils n’avaient jamais cesser de hurler et de vociférer pendant tout ce temps), et d’un pas rapide et tous groupés, ils ont commencé à longer le train, sur toute sa longueur, pour rejoindre la sortie, qui se trouvait en bout de quai. Et, tout en avançant, et alors que les portes du métro étaient encore ouvertes, ils tapaient du plat des mains ou avec leurs poings sur les portes et sur les vitres des wagons à l’arrêt, en criant, que dis-je, en hurlant: « Palestine!, Palestine!, Palestine!, Palestine». Une pensée fugace, mais effrayante, m’a alors traversé l’esprit : «et s’ils se rendaient compte que je suis juif…….ils me sortiraient du wagon et me lyncheraient sur place, ou bien ils me jetteraient sur les voies…..». Rapidement et anxieusement, je m’examinai mentalement, de la tête aux pieds, afin de déterminer si un signe extérieur pouvait «trahir», ma judéité. J’en conclus que non, que rien ne laissait transparaître, à priori, ma qualité de juif et je retrouvai seulement alors un semblant de calme. Pendant ce temps-là, les membres de la horde étaient remontés à la surface et, les ayant suivis (à bonne distance quand même), je les vis marcher vers la Place de la Bastille, en même temps que de nouveaux cars de CRS arrivaient, afin de bloquer les accès au quartier du Marais, là où je demeure et vers là où ces individus déchaînés étaient en train de se diriger
edith ochs