Chronique sur Radio J de Raphaël Draï, Radio J du 2 mars 2015
2 mars 2015, 22:33
PAR TEMPS D’EPREUVE: L’ESPRIT DE POURIM – Radio J Chronique du 2 mars 2015
Alors que la communauté juive de France s’interroge sur son avenir, il importe de garder à l’esprit des repères essentiels, et cela sans s’adonner au mélange des genres, celui qui mène à substituer la théologie à la politique. La célébration de Pourim en donne l’occasion. Elle marque en premier lieu la conversion sensible et palpable de l’hiver au printemps. Cette conversion là n’est pas seulement climatique. Elle souligne en effet un état d’esprit, celui qui inspire une forme aigue et intense de résistance morale face aux multiples visages et langages de l’antisémitisme. Il faut bien comprendre que ce fléau n’est ni circonstanciel, ni accessible à la raison. Il est inhérent à la manière aberrante dont s’est constituée l’identité occidentale durant plus deux millénaires. Lutter contre l’antisémitisme exige que l’on ait le souffle long et qu’on ne s’étonne pas, après chaque victoire contre ses sbires, qu’il reprenne sans cesse, si l’on peut dire, du poil de la bête, et quelle bête puisque le livre de Job laisse le choix entre Léviathan et Béhémoth! Pourtant nous ne vivons plus au temps de Pharaon ou de Haman. Nous vivons au temps de l’Etat d’Israël ressuscité après vingt siècles d’exil et de dispersion. Déjà, lorsque le peuple juif s’est retrouvé pulvérisé parmi les nations et exposé aux lubies de potentats divinisés, il s’est trouvé des êtres à la fois inflexibles et capables de prier, comme Mardochée et Esther lorsqu’ils surent faire face à une adversité qui s’annonçait fatale. Rien ne les fit plier, pas même le sentiment de peur sans lequel un être de sang et de chair ne saurait pas vraiment ce qu’est la condition humaine. Cette capacité de résistance morale procédait également et indissociablement d’une intelligence vive de la situation du peuple juif et de son environnement mortel. Car cet environnement là était simultanément traversé par des contradictions majeures entre intérêts personnels, statuts politiques, ambitions forcenées, qui ne tarderaient pas à se manifester férocement. En ce sens, Mardochée comme Esther furent des personnalités prophétiques si le prophète se définit aussi par la capacité de percevoir l’instant décisif, celui à partir duquel une époque bascule, une situation se renverse et que les juges du trop fameux tribunal de l’Histoire réalisent qu’ils vont à leur tour être jugés. Aujourd’hui en France, la communauté juive vit pratiquement en état de siège. Nul ne peut prédire l’impact de cette « bunkérisation » insensée en plein XXIème siècle sur le psychisme d’enfants qui doivent de toutes façons ne pas manquer la classe. La stratégie des antisémites de tous acabit est de leur mettre la vie à charge. C’est justement dans ces circonstances que sa propre histoire spirituelle lui procure les ressources d’une résistance exemplaire. Car statistiquement parlant tous ceux qui au long des siècles ont tenté de l’exterminer ont fini pendus ou carbonisés. En attendant, il faut discerner les deux affects essentiels de Pourim et s’y tenir fortement: le courage et la joie. Car comme y insistent les Sages d’Israël: si la peur est contagieuse, la joie est communicative.
radio j 2/3