Les risques d'une guerre par malentendu entre les États-Unis et l'Iran s'accroissent
Par Renaud Girard - Force est de constater que, sur le dossier du nucléaire iranien, se dessine actuellement une seule ligne, qui est celle de la confrontation. Tout se passe comme si deux trains fous étaient lancés l'un contre l'autre sur la même voie de chemin de fer, sans que personne ne parvienne à les arrêter ou à les aiguiller sur une autre voie. Le conducteur du train Amérique s'appelle Dick Cheney (le vice-président néoconservateur qui orchestra la désastreuse attaque contre l'Irak de 2003) ; et celui du train Iran, Mahmoud Ahmadinejad (le très nationaliste et très religieux président de la République islamique). Les Anglo-Saxons ont un mot pour cela : collision course.
Pourquoi le train Amérique continue-t-il à filer droit vers la catastrophe (un bombardement de l'Iran, qui entraînerait immédiatement un embrasement de l'ensemble du golfe Persique, comme vient de le déclarer un général des pasdarans) ? Trois facteurs peuvent l'expliquer à Washington. Le premier est que George W. Bush, convaincu par Cheney, ne veut pas rester dans l'Histoire comme le président américain ayant laissé l'Iran devenir une puissance militaire nucléaire. Le deuxième est que la politique de fermeté à l'égard de Téhéran jouit d'un fort soutien bipartisan au Congrès. Le troisième est que les deux lobbies étrangers les plus influents auprès de Bush (les lobbies israélien et saoudien) sont d'accord sur le principe de frappes américaines sur les installations nucléaires iraniennes. Les Israéliens parce qu'ils ne croient pas que la logique de dissuasion fonctionnerait avec un leader aussi « illuminé » qu'Ahmadinejad. Les Saoudiens parce qu'ils ne supportent pas l'idée d'une hégémonie iranienne sur le Golfe.
Le train Iran avance lui aussi irrémédiablement vers la collision. La démission, annoncée samedi matin, d'Ali Larijani, de son poste de secrétaire général du Conseil de sécurité iranien, signale une radicalisation du régime et la concentration du pouvoir aux mains d'Ahmadinejad. Jusqu'ici principal négociateur nucléaire iranien, Larijani, homme fin, cultivé et réfléchi, était partisan de trouver une solution de compromis avec les Occidentaux. Ni les Américains, ni les radicaux de son pays ne lui auront laissé le temps de l'imaginer et de la mettre en place. En maintenant une précondition à l'ouverture de négociations directes (la suspension par l'Iran de son programme d'enrichissement de l'uranium), les Américains ont enterré la négociation. Les Iraniens estimaient en effet que s'ils suspendaient leurs activités d'enrichissement (déclarées comme ayant un but exclusivement civil), ils n'auraient plus rien à négocier.
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