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Une comédie arabe, succès inattendu de la télévision israélienne
(17 Décembre 2007 - 17h16)
Pour la première fois, une série télévisée écrite par un Arabe, avec des acteurs arabes et pour l'essentiel en arabe, est diffusée à une heure de grande écoute en Israël, pour un public quasi-exclusivement juif. Et en plus le succès est au rendez-vous. "Arab Work", qui passe le samedi soir, affiche l'une des dix meilleures audiences de la télé israélienne.
La minorité arabe israélienne, qui représente 20% de la population, est souvent ignorée dans le pays, y compris à la télévision, d'où la surprise "Arab Work" ("Travail d'Arabe"). La comédie a obtenu la troisième meilleure audience la semaine de la diffusion du premier épisode et reste depuis dans le top 10 des émissions les plus regardées, selon la société productrice Keshet. Même les chroniqueurs télé -connus pour leur férocité- des trois principaux journaux israéliens l'ont appréciée.
Les comédies de la télé israélienne sont souvent légères, avec une prédilection pour les caricatures et les hommes portant du maquillage et des vêtements féminins. Or, et c'est aussi sa grande originalité, "Arab Work" est réellement drôle.
Le personnage principal, Amjad, journaliste pour une publication en hébreu, tente de s'éloigner de ses racines arabes pour devenir plus israélien, un "statut" qu'il juge plus moderne et donc supérieur. On découvre également ses parents, attachés aux traditions, son épouse sceptique et son ami photographe juif, qui représente l'Israélien moyen.
Avec un style absurde qui n'est pas sans rappeler celui de la série américaine "Seinfeld", la sitcom aborde habilement la question difficile en Israël des relations entre Arabes et juifs, et ose en rire. Son titre, qui reprend une expression péjorative en hébreu pour qualifier un travail bâclé, est en soi une plaisanterie caustique sur l'état d'esprit des Israéliens à l'égard des Arabes.
La comédie évoque, mais toujours sur le ton de l'humour, les humiliations quotidiennes subies par les Arabes en Israël. Elle se moque également des travers supposés des Arabes israéliens, montrant une tendance à prendre des libertés avec la loi et à blâmer les autorités israéliennes chaque fois que survient un problème.
Le créateur de la série, Saed Kashua, lui-même rédacteur arabe d'un journal en hébreu, est critiqué par certains Arabes israéliens pour ses portraits stéréotypés, comme le propriétaire véreux d'un garage dans le village d'Amjad, qui vole des pièces de voiture. Mais il pense faire oeuvre utile en présentant des personnages arabes sympathiques.
L'objectif de l'émission est avant tout de divertir, souligne M. Kashua, qui ne nourrit pas d'illusion sur la capacité de la série à changer les relations entre juifs et Arabes. Il mesurera le succès de l'émission au désir du public de voir deux des protagonistes, Meir et Amal, un juif et une Arabe, se mettre ensemble. "Ce serait une grande victoire", dit-il.
Les Arabes israéliens arrivent loin derrière les juifs du pays en termes de revenus et de niveau d'éducation, mais gagnent peu à peu en visibilité dans les médias, et "Arab Work" semble s'inscrire dans ce courant.
La série est un cas particulier, car elle montre que la télévision commerciale israélienne peut produire une sitcom qui "n'est pas une insulte à l'intelligence" du téléspectateur, relève Yaron Ten Brink, critique du quotidien à gros tirage "Yediot Ahronot".
Quant à la spécificité de l'émission, "il est un peu triste que ce soit unique", remarque-t-il. "Vingt pour cent des Israéliens sont des Arabes, donc les voir à la télé ne devrait pas être une si grande affaire." AP
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