Alors qu’une guerre se profile, Martin Birbaum s’interroge : que veut la France au Proche-Orient ?
Un langage presque guerrier «l’Iran, la bombe ou le bombardement». Une gêne après la publication du rapport NIE (sous-tendu par moult raisons politiques ou ayant trait à l’incapacité des services américains de prévoir le 11 septembre). Une réception hallucinante pour «le Guide Suprême» libyen qui annonce la conquête pacifique de l’Europe par l’islam. Une «rupture» diplomatique avec la Syrie qui s’est fichue comme d’une guigne des tentatives de rapprochement français visant un règlement de la situation au Liban. Annoncer vouloir «être à la tête des pays pouvant aider les pays arabes à accéder au nucléaire civile». Faire état des «amis israéliens».
Tout cela donne le tournis tant le produit de convolution de toutes ces attitudes (postures ?) semble déboussoler des cercles plus larges que les journalistes qui préfèrent plutôt s’occuper d’une escapade galante que de déchiffrer les lignes de force de la nouvelle politique arabo/musulmane de la France. Et dans tout cela, un point de focalisation : Israël.
Mais que veut la France d’Israël ? Un seul mot résume tout : apaisement. Rendre des territoires (pour un «état palestinien assuré de contiguïté», soit Gaza réunie avec la Cisjordanie ce qui n’a jamais été fait…) et accepter «d’aider» Mahmoud Abbas et les palestiniens. «Faire des gestes» dit le Président au Caire. En espérant qu’ainsi l’Iran, peut-être, se montrera plus urbain et acceptera l’existence d’Israël (ou que ses supplétifs, le Hezbollah et le Hamas le feront).
La dernière période pendant laquelle la France prôna l’apaisement fut celle de la guerre froide. Il faudrait peut-être constater que toutes ses ouvertures de «paix» vers l'Union Soviétique semblent aujourd’hui risibles. Quand le système communiste s'effondra, ce fut par implosion. L'apaisement et la «realpolitik» de nos gouvernants ne firent que retarder l’effondrement.
La «realpolitik» de la France la pousse à tenter de rallier à sa position tout ceux qui, en Europe, penchent depuis longtemps du côté des palestiniens, des pays arabes et, tout dernièrement, du côté de l’Iran. Avec José Luis Zapatero qui, l’année dernière, s’est fait photographier avec un keffieh palestinien, avec un autre ami d’Israël, Romano Prodi, grand précurseur d’Eurabia, dès qu’il fut Président de la Commission Européenne. Les voilà tous les trois, à Rome, annonçant leur volonté de réaliser l’union euro-méditerranéenne qui, si elle voit le jour, ne comprendra pas Israël car aucun pays arabe riverain n’en veut. Tout cela, soi-disant, pour que l’on fasse la paix.
Mais comment peut-on faire la paix avec des gens qui veulent vous tuer ? Réponse : on ne peut pas. Et tant pis si l’Europe et le reste du monde font semblant de ne pas comprendre les objectifs de l’Iran, du Hezbollah et du Hamas qui se résument à vouloir la destruction d’Israël. On ne peut qu’être époustouflé par, soit la crédulité de nos gouvernants, soit par leur totale inconscience : il s’agit de l’existence d’un Etat. La France ? Le pays des droits de l’homme ? Comment peut-elle ne pas voir que ce qu’elle tente de faire conduirait à la disparition d’Israël ? La peur de perdre certaines de ses positions économiques dans le monde arabe ou le souhait (depuis De Gaulle) de s’associer au monde arabo-musulman pour faire pièce à l’empire américain, valent-ils le prix de la disparition d’Israël ? Et si la réponse, motivée par ses intérêts géopolitiques, est positive, comment peut-elle croire qu’Israël se laissera faire ?
Israël, depuis quelque temps se trouve devant trois faux postulats : (1) la paix est essentielle à sa survie, (2) tout doit être fait pour l’obtenir sans tenir compte de ce que l’autre partie au conflit fait ou fera et (3) l’autre partie, de guerre lasse, voudra faire la paix. Ces trois postulats, faux en totalité, sous-tendent les positions prises par la France (et à son instar par d’autres pays en Europe). Et surtout leurs conclusions : «la paix contre les territoires» et «la fin du conflit israélo-arabe permettra la paix au Proche-Orient, et partant, dans le monde».
Pourtant, la France devrait avoir comme principale préoccupation (car pays le plus musulman au Nord de la Méditerranée), l’islamisation de l’Europe. «Un philosophe syrien a écrit dans un article, il y a pas bien longtemps, que la seule question au sujet du futur de l'Europe est : « sera-t-elle une Europe islamisée ou s’agira-t-il d’un Islam européanisé ? » Et je suis enclin pour être d'accord avec lui à ce sujet» dit Bernard Lewis (sommité mondiale reconnue pour ses études de l’Islam). Sa justification : «les Européens ont perdu le sens de la fidélité à leurs valeurs et leur propre confiance en soi», en ajoutant «Ils n'ont aucun respect pour leur propre culture et ils se sont confinés pour tout ce qui concerne l'Islam à une attitude d’avilissement, de politiquement correct et de multiculturalisme». Ceux qui ont appelé l’Europe «Eurabia» (Bat Ye’Or), avec un sens prémonitoire remarquable, avaient quand même prévenu leurs compatriotes. En vain. Les statisticiens allemands indiquent que leur pays sera à majorité musulmane en 2046. L’interdiction faite en France de savoir «qui est qui» ne permet pas d’annoncer officiellement que la même chose y arrivera entre 2030 et 2040. Et quand on se gausse du nombre d’enfants nés en 2006, on ne dit pas que 20 % d’entre eux proviennent de l’immigration maghrébine ou noire : moins de 10 % de la population contribuent avec 20 % des naissances … il ne faut pas être grand mathématicien pour comprendre que la France n’aura plus comme ancêtres les «Gaulois».
Bombe pour l’Iran, l’Europe pour les musulmans. Et que pense la France qu’Israël, quand une menace existentielle pèse sur elle, devrait faire ? Il y a quelques mois, un journaliste israélien écrivait : «L’Iran et sa volonté d’acquérir des moyens militaires nucléaires ne constituent pas uniquement une préoccupation israélienne. La question est de savoir si, en ce moment, le monde occidental fera quelque chose pour se défendre. La réponse, d’évidence, est négative. Dès lors, une question plus pertinente serait «dans quel cas le monde occidental agira-t-il ?». Malheureusement, on peut douter que même une frappe nucléaire iranienne sur Israël soit suffisante. L'Iran devrait frapper l'Europe ou l'Amérique avant que l'une ou l'autre fassent quoi que ce soit. Mais si cela est, cela se produirait seulement après que l'Iran aura attaqué Israël. La conclusion est évidente : Israël doit-il attendre qu’il soit attaqué avant de réagir ? (S. Singer – Jerusalem Post) ».
Dès lors, il serait intéressant de faire le point des attitudes des grandes puissances face aux menaces existentielles qui pèsent sur Israël. Naturellement, et bien que l’histoire ne se répète pas, il est instructif de voir ce qui s’est passé depuis la création de l’Etat d’Israël.
Les Etats-Unis, alliés fidèles et irremplaçables, n’ont jamais mis en question leur propre sécurité pour défendre Israël. Certes, depuis les menaces iraniennes, l’Administration Bush a promis qu’elle défendra Israël en cas d’attaque nucléaire de l’Iran. Sans préciser si cela interviendra avant ou après la frappe ce qui, on le reconnaîtra facilement, ne constitue pas une vraie garantie de survie pour Israël. Mais, soit, il y a une garantie. L’histoire, malheureusement, n’est pas là pour prouver la solidité de cette garantie. Cinq exemples édifiants :
a. En 56 (Suez, aventure franco-anglo-israélienne), Eisenhower n’hésita pas à menacer les trois protagonistes des foudres nucléaires (comme Khrouchtchev et Boulganine) pour arrêter la campagne et imposer à Israël de rendre le Sinaï (une première fois ...) car il ne voulait pas que le barrage d'Assouan soit fait par les Soviétiques ;
b. En 67 (cela commença par la fermeture du Détroit du Tiran) on se focalisa sur De Gaulle qui disait qu'il «n'était pas aux affaires quand la France a garanti à Israël, après 56, la libre circulation dans le Détroit» et on oublia que Johnson avait dit "qu'il ne trouvait pas la lettre de garantie signée par Eisenhower pour arrêter la guerre de 56"... heureusement la guerre ne dura que six jours, temps trop court pour imposer quoi que ce soit à Israël ;
c. En 73 quand Israël passa sur l'autre rive du Canal de Suez sur le front égyptien et se trouva à 25 km de Damas sur son front nord, Nixon (Kissinger en réalité) lui imposa l'arrêt des combats car il voulait prendre la place des Russes en Egypte, ce qui fut obtenu avec l’aide d’Anwar El Sadat ;
d. En 91, guerre contre Irak. A la fin, on tordit les poignets d'Israël pour une "conférence de Madrid" (qui conduisit à Oslo et ensuite à plus de morts israéliens en attentats palestiniens que pendant les quarante années précédentes …) car Bush (père) avait promis aux pays arabes coalisés de faire avancer la cause palestinienne ;
e. En 2003, pour les même raisons (cette fois-ci, neutralité des pays arabes "modérés") on imposa à Israël (Bush fils) la "feuille de route" sous le régime duquel on vit encore avec les résultats que l'on connaît ...
Bref, garantie nucléaire américaine ? Peut-être, mais il serait difficile de proposer à Israël de s’y soumettre.
La Russie, adversaire résolu d’Israël depuis sa création (pourtant votée par l’URSS) jusqu’à Boris Eltsine, semblait avoir changé d’attitude, aussi sans doute parce que plus d’un million de russes d’origine ont émigré en Israël. Pourtant, depuis l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine et, surtout depuis que ses intérêts géopolitiques l’ont rapprochée de la Chine et de l’Iran (pour des raisons très différentes), la Russie a changé de nouveau de politique. Retrouvant son statut de grande puissance, contrôlant (pour l’essentiel) l’approvisionnement en gaz de l’Europe, voulant éviter par tous moyens l’extension du «croissant chiite» vers les anciennes républiques d’Asie Centrale ou dans les pays du Caucase, la Russie ne peut pas accepter d’être absente du Proche-Orient, en dehors du «quartette» et de l’ONU. La Russie, non plus, ne soulèvera pas le plus petit doigt pour défendre Israël. Plusieurs fois elle a montré, récemment, clairement, de quel côté elle se plaçait :
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