Journal de guerre. De Sciences Po aux unités d’élite de Tsahal
Par Noam Ohana (*)
04/01/08
- - Thème: Israël
Voici un livre rare qui traite d’un sujet délicat qu’on pourrait considérer, d’un point de vue israélien comme « secret défense ». Il nous parle en effet de l’une de ces unités d’élite, les « Sayeret », qui opèrent au sein de Tsahal et à qui l’on confie les missions les plus délicates.
Des « Sayeret », il en existe une demi-douzaine : commandos marins, commandos de l’armée de l’air, commandos de l’état-major, commandos parachutistes. Créée en 1954 par Ariel Sharon, la Sayeret, étrangement, passe parfois pour un repaire de dangereux gauchistes. On l’appelle même la « Sayeret Hadouma », le « commando rouge ». Qui a oublié la fameuse « Sayeret Matkal » à laquelle appartenait le lieutenant-colonel Emmanuel Moreno, le dernier soldat de Tsahal à être tombé lors de la guerre contre le Hezbollah, le 18 août 2006 ?
Noam Ohana a appartenu, lui, à la « Sayeret Tzanhanim », une unité de parachutistes chargée d’intervenir au cœur des territoires palestiniens pour lutter contre le terrorisme.
Rien ou presque ne prédisposait ce jeune homme tranquille, titi du 14ème arrondissement de Paris, d’origine marocaine, fils d’intellectuels mélomanes de gauche farouchement républicains, mais néanmoins traditionalistes, à devenir un soldat de l’ombre. C’est lors d’un déménagement en banlieue qu’une fracture se dessine. Noam Ohana découvre le racisme larvé des « jeunes » de banlieue. « Il fallait bien accepter certains comportements si on voulait vivre ici dans les années 90. C’était comme ça. Cela faisait partie du civisme, on n’allait pas faire des vagues pour des insultes ou, comme souvent, des crachats sur le mur de la synagogue. Ma mère nous disait de ne pas y prêter attention ». Après son baccalauréat, Noam intègre Sciences Po. Au gré des soubresauts du conflit israélo-arabe, il est souvent pris à partie par ses congénères : « J’espère que tu n’es pas fier de ce que vous faites là-bas ! ». « Vous » ? Pourquoi cet amalgame ? Après Sciences Po, il rejoint Stanford, en Californie, temple de la « nouvelle économie ». Il est loin de chez lui, mais il continue de suivre l’actualité au Proche-Orient. La guerre, toujours, les attentats, l’affaire Al Dura, le lynchage de Ramallah, les sermons antijuifs des prédicateurs de Gaza et, en France, l’antisémitisme qui refleurit. On brûle des synagogues, on moleste des écoliers. Noam Ohana se souvient : « La presse bien pensante regardait les actes hostiles à l’égard de la communauté juive comme l’expression d’une « émotion compréhensible » face au conflit israélo-palestinien. Moi je n’étais ni ému ni compréhensif, juste submergé par une colère profonde qui semblait venir de loin ». Lui reviennent alors en mémoire les récits de ses grands-parents racontant les pogromes dans le mellah de Meknès aux cris de « Mort aux Juifs ». Cette colère lui donne envie de se battre. Il prend l’avion pour Israël et, quelques mois après son arrivée, il se présente au bureau de recrutement de l’armée. Dans un hébreu hésitant, il annonce : « Je viens m’engager dans une unité d’élite ». Quelle idée ! Il n’est pas né en Israël, il est trop âgé et trop fraîchement installé au pays. « C’est impossible » lui répond-t-on. Il ne se décourage pas car « En Israël, quand on vous dit que quelque chose est impossible, c’est que vous êtes sur la bonne voie ». A l’usure, il obtient le droit de passer le test, le « Gibush », sésame obligé pour l’admission à la « Sayeret ». Des exercices que d’aucuns qualifieraient de masochistes. Noam résiste et réussit. Voici venu à présent le temps du « Masloul », un véritable enfer, période au bout de laquelle un tiers des effectifs est éliminé. Exercices éreintants, punitions idiotes, marches cauchemardesques, nuits sans sommeil, rythmes éreintants, apprentissage de la navigation ou « nivoutim ». Rien n’y fait. La volonté farouche d’Ohana lui fait passer tous les obstacles. Le « Sof Masloul », enfin, achève ce véritable parcours du combattant. Et c’est gagné : « Voilà, ça y est. Cette fois, c’est fini : nous sommes combattants à part entière ».
Dès lors, Noam Ohana va se retrouver dans les aventures les plus folles et les plus dangereuses qu’il nous raconte avec force détails et en toute objectivité.
Un très beau et très intéressant témoignage.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Denoël. Octobre 2007. 256 pages. 18 euros
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