Par Stéphane Juffa
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Les lecteurs ne s’étonneront pas que je ne m’attarde pas sur les aspects protocolaires et festifs de la visite de George W. Bush en Israël et dans l’Autonomie Palestinienne. Ce que nous pouvons en dire de significatif, c’est que l’étape hiérosolymitaine du président américain se déroule dans un climat de cordialité expansive, et que les relations personnelles Bush-Olmert sont chaleureuses et franches.
La qualité des rapports entre deux hauts responsables politiques est certes importante ; lorsqu’elle est présente, comme c’est ostensiblement le cas, la confiance qui s’en dégage peut s’avérer décisive lors de crises internationales majeures.
Ceci posé, la première visite du président Bush dans notre région se singularise en cela qu’elle fait se rencontrer trois leaders en situations particulièrement précaires : Mahmoud Abbas, parce que son Autonomie ne repose sur aucune institution solide, ni forces de l’ordre capables de faire exécuter ses décisions, ne serait-ce qu’en Cisjordanie. De plus, la perte de Gaza, et la manière dont l’AP a perdu ce territoire au profit des milices islamistes, font constamment planer une hypothèque sur l’autorité et l’avenir de M. Abbas.
Quant à Ehoud Olmert, qui s’est épandu en remerciements à l’endroit de George Bush et de l’Amérique de façon excessive et à chaque occasion possible, il se trouve en sursis sur son trône jusqu’à la fin du mois de janvier. C’est à cette échéance, en effet, que seront rendues publiques les conclusions définitives de la Commission Vinograd. Cette commission, constituée à l’origine par Olmert lui-même, - qui désirait éviter la formation d’une commission parlementaire – a enquêté sur les fautes commises par le gouvernement et l’armée israéliens lors de l’ultime guerre du Liban. On susurre que les critiques concernant l’actuel 1er ministre seraient dévastatrices, au point qu’elles ne permettraient pas aux alliés politiques de M. Olmert de demeurer dans sa coalition.
Cette échéance toute proche relativise les engagements que peut prendre le président du conseil israélien, notamment au sujet du gel des implantations et des velléités déclarées de s’attaquer, avec Mahmoud Abbas, aux questions liées au foyer du différend israélo-palestinien, sitôt que M. Bush se sera envolé. Olmert joue à l’hyperactif politique sans avoir pour cela les dispositions naturelles d’un Nicolas Sarkozy. En misant tout ce qui lui reste sur le tapis sur le processus de paix, Olmert espère persuader le chef du parti travailliste, le ministre de la Défense Ehoud Barak, de demeurer dans la coalition, même si le rapport de la Commission est calamiteux. En filigrane, on devine que le dilemme qui va se poser à Barak consistera, soit à servir de bouclier au gouvernement Olmert, au risque d’y laisser son âme, soit de provoquer des élections anticipées, qui pourraient bien être remportées par Bibi Netannyahou.
Un choix pas simple en perspective pour Barak… De là à imaginer que George W. Bush est venu en Israël, avec comme objectif principal d’apporter son soutien à l’allié docile que représente un Ehoud Olmert, dont l’avenir politique ne tient qu’à un fil, c’est un scénario que je n’écarte en aucun cas et à aucun moment.
Car Bush est peut-être – toutes proportions gardées, liées à la superpuissance qu’il dirige - le plus faible des trois chefs d’Etats de ces rencontres de janvier. Il souffre de deux restrictions dans sa marge de manœuvre, qui lui donnent franchement des allures de super touriste. La première limitation, c’est, bien sûr, le fait qu’à fin 2008, il ne sera plus le président des Etats-Unis. Dans ces conditions, ses interlocuteurs savent parfaitement que Bush junior ne présidera pas à l’érection de l’Etat de Palestine durant son mandat, et que les promesses qu’il donne, et celles qu’il reçoit, sont à prendre dans la perspective du temps qui lui reste à la Maison Blanche. Abbas et Olmert, en bons vétérans de la politique internationale, ne vont pas prendre des risques de casse-cous avant de connaître l’identité et la politique du prochain pensionnaire de la White House. Ils ont trop à gagner, ou trop à perdre, à produire les fameuses "concessions douloureuses" face à quelqu’un qui s’adonnera probablement à la pêche à la ligne, au moment où il faudra les faire avaler à leurs peuples respectifs.
Alors ? Marché de dupes ? Commedia dell’arte ? Culte de l’éphémère ? Pas du tout : les présidents des régimes démocratiques sont élus pour des périodes déterminées, et il est naturel qu’ils perdent de leur force de persuasion à l’approche de leur retraite politique. Et puis, dans le cas qui nous intéresse, cela accentue l’importance du dialogue direct Abbas-Olmert : durant les mois à venir, ils ne décideront que de ce qui s’intègre dans leurs propres projets. Dans des mots plus clairs : s’ils veulent avancer vers un règlement, ils ne pourront compter que sur eux-mêmes.
La seconde restriction de la marge de manœuvre du président américain est autrement plus périlleuse pour le devenir de la planète terre : la publication du faux rapport sur l’uranium iranien par les seize bureaux du renseignement américain. Ce mercredi après-midi – et c’est là, à mon avis, le seul acte véritablement important de la visite en cours, hormis sa valeur symbolique – les Israéliens ont passé plusieurs heures à présenter à leur hôte les preuves irréfutables de ce que l’Iran n’a pas interrompu son programme d’enrichissement d’uranium, pas plus qu’il n’a freiné le développement de ses missiles.
dource : Menapress