Une formidable bouffée d'air pur, d'intelligence libre, ce matin, sur France Inter. Nicolas Demorand, qu'un auditeur imbécile s'est permis d'insulter, recevait le philosophe Alain Finkielkraut (AF).
Mon enthousiasme pour ce dernier ne s'accompagne pas, je l'espère, d'une inconditionnalité sotte. J'ai conscience aussi que sa stature est d'autant plus remarquée qu'elle s'impose dans un désert français. Certes, il y a des penseurs, des essayistes, des analystes ou des polémistes mais aucun ne sait mêler comme lui, aussi intimement, la profondeur de la réflexion, le courage et l'indépendance de la parole avec la vigueur fine du langage. Sa grande force, et j'en ai souvent profité sur ce blog, c'est qu'il stimule, réveille et suscite la réplique. Il va brillamment au coeur de l'ordinaire pour en tirer des leçons essentielles. Il rayonne à part.
Avant d'aborder le fond des propos échangés, je voudrais donner immédiatement un exemple de cette personnalité singulière et des heureux effets qu'elle ne manque pas d'avoir même sur les thèmes les plus controversés. AF est parvenu à traiter du comportement public et privé du président de la République sans tomber dans la flagornerie ou la diatribe. Aujourd'hui, pour un intellectuel, une telle aptitude relève de l'exploit. Celui-ci est d'autant plus appréciable qu'ainsi, et malgré les apparences, en ne refusant d'appréhender ni les ombres ni les lumières, AF nous a offert de Nicolas Sarkozy une image infiniment plus nuancée et estimable que celle diffusée par ses thuriféraires un peu courts et, évidemment, ses adversaires monomaniaques.
Le débat a porté principalement sur la "politique de civilisation" qui a vu l'irruption d'Edgar Morin, qui semble éprouver lui-même du mal à préciser lers contours de son nébuleux concept, dans l'espace politique. Je n'ose pas croire que la référence à cette pompeuse et équivoque notion puisse résulter seulement de la volonté de quitter les chemins difficiles du politique pour aborder les rivages plus riants, parce que plus flous, de la civilisation. Pour résumer, en termes infiniment moins choisis, c'est le désir de voir le qualitatif prendre sa revanche sur le quantitatif. On verra qu'AF donne, par les trois exemples qu'il choisit, un contenu plus large à cette "politique de civilisation".
la suite ; philippebilger