La voix est la voix de Jacob, et les mains sont les mains d’Esaü.
Vous connaissez la "supercherie" qui a valu à Jacob de prendre la bénédiction qui était destinée à Esaü. L’histoire est la suivante : Rebecca qui préfère infiniment Jacob à Ésaü, ne peut accepter que son mari, Isaac, bénisse son ainé Esaü au détriment de Jacob. Elle prend sur elle de transformer Jacob en Esaü, qui était poilu de partout, y compris des mains, en habillant Jacob avec les habits d’Esaü et en lui faisant porter de longs gants pleins de poils.
Jacob se présente devant son père, aveugle, et lui demande de le bénir, prétendant qu’il est Esaü. Isaac se méfie, lui tâte les mains et prononce cette phrase célèbre : "La voix est la voix de Jacob, et les mains sont les mains d’Esaü". Dernière vérification d’Isaac, il renifle ses vêtements, et apparemment rassuré, le bénit.
Cette supercherie a fait couler beaucoup d’encre. Quant à moi, je ne suis toujours pas convaincu qu’elle en soit une.
En effet, Isaac avait beau être aveugle, il n’était pas gâteux et n’avait pas perdu ses autres sens, et en particulier, l’ouïe.
Isaac était âgé de 123 ans et ses fils étaient octogénaires. Depuis le temps, il devait reconnaitre leurs voix, et une voix ne trompe pas, d’autant plus qu’il n’est indiqué à aucun endroit que Jacob ait modifié sa voix.
Il me semble donc qu’Isaac sait pertinemment qu’il bénit Jacob et non Esaü. Plus exactement, il bénit un être hybride, composée d’une voix qui appartient à Jacob, et de mains qui appartiennent à Esaü.
Qu’est ce à dire ? La voix de Jacob, selon nos sages, est la voix de la prière. C’est une bonne voix, pacifique et agréable. Les mains velues d’Esaü, ce sont les mains d’un guerrier.
Isaac bénit donc le fils qui se présente devant lui en premier, avec une voix douce, conçue pour la prière, et des mains faites pour la guerre. En extrapolant, on peut penser que c’est ainsi que Rebecca, sa mère, souhaite qu’Isaac bénisse Jacob : Un homme complet, en mesure à la fois de se battre et de prier.
Esaü serait donc le seul trompé dans l’affaire. Je ne le crois pas non plus. Il a droit aussi à sa bénédiction : la terre qui lui est accordée sera fertile. Rashi d’ailleurs nous précise que cette terre sera l’Italie, qui produit de fort bonnes choses. Il vivra de son épée ; ce qui convient parfaitement à son tempérament sanguin, et pourra s’affranchir du joug, tout théorique, de son frère. L’Histoire nous apprend qu’Esaü, fondateur de l’Occident, n’a jamais eu à souffrir physiquement de Jacob, l’Hébreu. Ce serait plutôt l’inverse !
Rappelons pour mémoire, qu’ après cet épisode, Esaü, dépité, s’empresse de désobéir à ses parents, allant convoler en justes noces avec la fille d’Ismaël et des femmes cananéennes, lire palestiniennes ; tissant ainsi des liens qui unissent encore aujourd’hui l’Occident et les pays musulmans.
Donc, en définitive, tout le monde est à peu près content, à l’exception de tous ceux qui n’acceptent pas que Jacob, lire Israël, son deuxième nom, ne soit pas qu’une voix. Une voix faite pour la prière, pour des supplications, quand on l’égorge, le dépossède. Jacob/Israël, pour de nombreux non juifs, et pour certains juifs aussi d’ailleurs, a pour seule vocation d’être la victime. Plusieurs millénaires de souffrance leurs donnent raison, n’est-ce pas ?
Or que se passe t-il ? Après la Shoah, après la création de l’Etat d’Israël, et jusqu’en 1967, les Israéliens ont bénéficié d’une dose de sympathie de la part des Nations : les malheureux qui ont tant souffert, tant supplié, tant écrit et surtout tant parlé, n’avaient pas le droit à un peu de réconfort sur le petit bout de terre qui leur fut alloué ?
Les choses ont changé après la guerre de Six jours ; une guerre de conquête, non voulue. La voix en vint aux mains. Les Nations ont découvert que Jacob n’était pas seulement une voix, mais qu’il avait aussi ses mains. Des mains capables de se défendre. Jacob était devenu Israël, et ça s’est intolérable, car les biens pensants ne peuvent accepter que Jacob ait aussi des mains. Que la "victime devienne bourreau", comme ils disent.
Que les bourreaux qui ont toujours été fidèles à leur vocation, continuent à agir comme tels, rien de plus normal. Parle t-on des malheureux Toutsi, des Tchéchènes, des Tibétains, des Népalais, des Bosniaques maltraités par des bourreaux vocationnels ? Non toute la sollicitude du Monde va aux Palestiniens victimes des mains de Jacob.
"Peuple sur de lui et dominateur", disait le Général de Gaulle. Quelle vaste blague, qui ne fait qu’illustrer le désappointement de l’Occident de voir Jacob trahir l’image qui, depuis toujours, lui colle à la peau : celle de la victime qui n’a qu’un seul organe, la voix.
Braves gens, il faut vous y faire, Jacob n’a pas perdu sa voix, qui lui sert à prier, pour lui, et pour le reste de l’Humanité, mais il lui a poussé des mains, conformément à la bénédiction d’Isaac. Ces mains ont planté des arbres, déposé des brevets. Elles lui ont servi, et lui serviront encore, à se défaire de tous les Esaü, Ismaël and C° qui ne lui veulent pas du bien.
source : geopolitiquebiblique