Zemmour attaque l'angélisme anti-raciste par le roman
Le journaliste du Figaro lance un nouveau pavé dans la mare avec Petit frère, un roman inspiré d'un terrible fait divers, le meurtre d'un jeune Juif par son meilleur ami d'origine maghrébine.
Le roman peut-il être un «essai affectif», autrement dit enseigner des idées en passionnant le lecteur ? Eric Zemmour a sans doute été fasciné par le terrible destin d'un jeune homme juif nommé Sébastien Sellam, assassiné par son meilleur ami, un jeune beur, en novembre 2003, à la Cité de la Grange aux Belles, à Paris. Le meurtrier l'avait égorgé et défiguré alors qu'il rentrait chez lui en déclarant aussitôt après : «J'ai tué un juif ! J'irai au paradis !». Il avait été reconnu, dans un premier temps, irresponsable. Mais la cour d'appel a jugé recevable la demande de l'avocat de la famille juive et le procès risque finalement d'avoir lieu, une décision sera prise prochainement, le 17 janvier.
Terrible fait divers et de barbarie, qui avait davantage ému la communauté juive que les médias, et dont le journaliste du Figaro reconstitue la trame en mêlant des éléments factuels à d'autres puisés dans son imagination. Après un démarrage foudroyant – « Il lui planta la fourchette dans un œil qu'il creva » - on se glisse dans l'histoire subrepticement. L'ambiance de la cité n'est pas mauvaise. Juifs et Arabes y sont proches d'une manière devenue aujourd'hui inimaginable. Et puis, peu à peu, la barbarie fait son nid dans la vie du quartier.
La construction du récit est très réussie. On entre dans cette énigme en douceur, à partir de ses différents personnages. Une distribution en forme de melting pot, synthèse de la France des années 1980. On y trouve des familles arabes bien intégrées, des femmes arabes abandonnées par leur mari, qui peinent à élever leurs petits, des soixante-huitards cyniques ou naïfs, une petite mafia de banlieue déjà bien installée, un couple de bourgeois détruit par la libération des mœurs. Tout ce décor habilement mis en place n'est pas, cependant, au service d'une histoire mais d'une thèse, celle de l'auteur, qui apparaît en filigrane : l'anti-racisme et la gauche ont, par veulerie ou culpabilité, aidé les mafias et les intégristes à embrigader les jeunes Arabes de façon à rendre de plus en plus difficile une assimilitation que, d'ailleurs, on ne leur demande même plus au nom de ce sacro-saint « droit à la différence » – honni, et on le comprend, par l'auteur.
Livre noir, Petit frère doit être lu car il nous confronte aux dégâts de l'angélisme anti-raciste. Le roman nous promet un destin de guerre civile dans lequel une barbarie adossée au nombre et à la lâcheté finira par tout emporter. Le livre nous dit, à travers certains de ses personnages, que les Juifs de France doivent se préparer à partir, car la capacité des Français à tout accepter des jeunes beurs est infinie et qu'elle mènera le pays au désastre.
Un seul regret : si la construction du récit est remarquable et tient en haleine, les personnages y sont parfois des archétypes. Il leur manque ce grain d'imprévu qui leur permettrait d'échapper à leur créateur pour devenir de vrais personnages. Leurs destins paraissent inexorables, esclaves d'une théorie que l'auteur n'a plus envie de faire vivre que par des fictions. Sans doute parce qu'il pense, un peu tristement, que sur certains sujets, la vérité ne dispose plus de public. On est curieux, d'ailleurs, de connaître l'accueil qu'une génération de journalistes formés dans les bataillons de la gauche morale réservera à cet ouvrage.
Eric Zemmour – Petit frère – 340 p, Denoël, 20 €.
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