Par Schlomoh Brodowicz pour Guysen International News
Mais quelle mouche à donc piqué les rabbins libéraux Daniel Fahri, Stephen Berkowitz et Célia Surget pour qu’ils se constituent parties civiles d’une République qui n’en demandait pas tant ? Ou peut-être est-ce la période des soldes qui lève un si lourd tribut sur leur belles âmes qu’elle les inspire à vider le Judaïsme de ses valeurs immémoriales – dont elles se sont par ailleurs bien démarquées depuis des lustres. Et faut-il donc que ce soit des Juifs qui dressent le réquisitoire d’une communauté juive qui a déjà fort à faire ailleurs ?
Car voilà que ces défenseurs en diable de la République laïque font usage d’un média national (le Figaro du 18/11) pour tirer à boulets rouges sur leurs frères soucieux de préserver –pacifiquement s’entend – des valeurs pour lesquelles des générations ont lutté jusqu’au sacrifice ultime.
Et quelle référence est la leur pour dénoncer ceux par qui le scandale arrive ? Le Grand Sanhédrin de 1807 d’inspiration napoléonienne, dont on sait trop la ferveur, la piété et la forte identité juive qu’il a inspiré à nos frères d’antan, lesquels, selon un vieux mot avaient en commun avec leur concitoyens non juifs, le fait que « les premiers ne fréquentaient pas la synagogue et les seconds ne fréquentaient pas l’église ».
Quant à ce qui provoque cet accès de bile noire d’inspiration républicaine, c’est le désir de certains Juifs que soit pris en compte « la fiscalité des dons, la cacherout (…) les places dans les carrés confessionnels juifs (…) les calendriers des examens pour les élèves et les étudiants juifs (…) la nourriture cachère dans les hôpitaux, les systèmes d’entrée de certains immeubles le Chabbat » lesquels constituent pour ces gardes suisses de la république « des exigences qui sont des formes de privilèges allant bien au-delà des règles d’une laïcité bien comprise ».
Aux armes citoyens ! Avez-vous bien saisi comment des Juifs obscurantistes, bornés et rétrogrades entendent saper les fondements d’une république deux fois centenaire ?
Il faut dire qu’on a maille à partir avec la cohérence de Daniel Fahri, lequel peut à la fois défendre bec et ongles le droit de Jean-Marie Lustiger de prendre la soutane (et lui rendre un dernier hommage à Notre Dame) et affirmer sans rire sur les ondes de « Radio Courtoisie » que « D-ieu n’a certainement pas voulu les religions ». (Si, si, on peut vérifier…)
Mais lui et ses compères enfoncent encore le clou : « On peut comprendre le désir de certains de vivre selon les prescriptions de leur (sic !) religion mais ils doivent admettre que ce n’est pas possible dans un pays dont les coutumes et les lois ont été façonnées par des siècles de chrétienté. » Voilà clairement dit par des rabbins (enfin, ce qu’il reste chez eux de cette vocation) ce qu’aucun digne citoyen républicain français n’oserait dire à des Juifs religieux : « si vous tenez tant à respecter la tradition de Moïse, alors faites vos valises ! »
Je ne suis pas certain pour ma part que le Président de la République et son Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale trouvent ce zèle citoyen très à leur goût.
Au passage, voilà de la part d’un homme préoccupé, dit-on, de Mémoire, un bel hommage rendu à ceux qui ont mis les Tefilines à Auschwitz, qui y ont sonné le Chofar et y ont construit des Souccot (eh si…). Voilà en bel hommage à des dizaines de milliers de Juifs non religieux qui, en Slovaquie et en Hongrie, ont refusé des certificats de baptême de complaisance lesquels auraient pu leur éviter la chambre à gaz. Voilà un bel hommage rendu à tous ceux qui sont montés sur des bûchers pour ne pas abdiquer leur foi et à qui nos trois fiers à bras républicains doivent d’exister.
Et de tout confondre. Poser comme un acte de discrimination le fait que l’entrée d’un immeuble ne soit pas conçue pour ceux qui respectent le Chabbat est certes très excessif.
Mais pour le reste : cela fait des lustres que les Juifs religieux sont toujours parvenus à composer dans la plus grande sérénité avec les règles de la république, voire du patriotisme et parfois, même à grand frais quand on pense à l’image du rabbin Abraham Bloch, mort sur le champ de la Grande guerre en assistant un soldat chrétien dans ses derniers moments. Un épisode exalté par le pourtant très peu philosémite Maurice Barrès qui écrivait : « Voilà une image qui ne périra pas. »
Et de nos jours, depuis des décennies, des élèves et des étudiants juifs ont effectué des parcours scolaires et universitaires brillants sans rien enfreindre ni de la loi de Moïse ni de celle de la république. L’auteur de ces lignes peut – modestement – en témoigner pour lui-même. Depuis des décennies encore, les juifs hospitalisés peuvent s’ils le désirent obtenir des repas cachers, sans que cela ait jamais provoqué des inflammations cutanées chez les autorités de l’Assistance publique. Des repas qui, soit dit en passant, font le bonheur de certains musulmans pratiquants. Cela fait belle lurette que les dons à maintes institutions juives sont déductibles sur les feuilles d’impositions. Quant aux carrés juifs de cimetières, il s’agit d’une exigence des plus fondamentales de la loi héritée du Sinaï et à laquelle aucune république n’a jamais tenté de porter atteinte.
Si je puis ici apporter mon modeste témoignage, j’ai fait une carrière d’ingénieur dans une multinationale au sein de laquelle ma pratique religieuse n’a donné des boutons à personne. J’y jouissais même d’un grand respect de la part de mes collègues. La personne à laquelle j’ai dû ma titularisation était un catholique fervent – ex membre de l’OAS de surcroit – qui ne trouvait rien à redire à ce que je quitte mon travail plus tôt le vendredi. Cette entreprise compte toujours du reste, maints Juifs pratiquants qui ne connaissent pas la moindre difficulté.
Et pour la pièce montée de cette lugubre fête, on ne saurait assez suggérer à nos trois zélotes de la république de joindre leurs efforts à ceux d’une immémoriale gloire du cinéma français partie jadis en croisade contre l’abattage rituel.
Il conviendrait également de signaler à Madame la Ministre de l’Intérieur que tous les Juifs pratiquants de l’Hexagone – y compris le Grand rabbin de France – se promènent sans papiers sur eux le Chabbat. Nul doute qu’elle trouvera ici l’inspiration d’un petit coup de filet dans les milieux intégristes… juifs, pour une fois.
Et tiens, puisque nous y sommes : comment se fait-il que l’Islam dont les adeptes en France sont plus nombreux que les Juifs et dont les revendications s’expriment – souvent avec peu de pondération – dans tous les domaines de la vie citoyenne, n’alarme pas nos dignes rabbins alors qu’il suscite les plus vives inquiétudes en haut lieu ? Est-ce aux Juifs religieux qu’on doit ce qu’il est convenu d’appeler « les territoires perdus de la république » ? Nos pourfendeurs d’intégrisme sauraient-ils par hasard qu’un papier du même genre écrit par Robert Redecker a valu à son auteur de devoir se terrer comme un rat, du fait de menaces de mort ?
Et sachez chers lecteurs que nos auteurs ne sont pas des illettrés car c’est rien moins que le Talmud qu’ils invoquent : « Dina deMa’lhouta Dina » : « La loi du pays c’est la loi ». Et c’est là que je ne peux réprimer une onde de malice : et le reste… du Talmud ? Les rabbins qu’ils sont en assument-ils le sens et les implications avec la même ferveur ?
La vérité c’est que ces gens se payent à la fois la tête de leurs coreligionnaires et celle de la République. Je ne suis pas certain que les autorités républicaines, à tous niveaux, soient très admiratives de ces Juifs qui ne craignent pas d’étaler leur frilosité au détriment de leurs frères. Ce dont je suis certain en revanche, c’est que tous les maires de France dans les villes desquelles le mouvement Loubavitch organise des allumages publics de Hanoucah honorent ces cérémonies de leur présence, quelle que soit leur appartenance politique. Ce que je sais aussi, c’est que personne n’a perçu d’atteinte à la république lorsque le Président Jacques Chirac a invité les responsables du mouvement Loubavitch à l’Élysée, qu’il a accepté avec beaucoup d’émotion de recevoir la traditionnelle Bénédiction des Cohanim et qu’on a vu, lors de cet événement, des rescapés de la déportation mettre les Tefilines dans les salons de la demeure du premier magistrat de la République.
Une once de bon sens aurait inspirée nos trois compères de s’abstenir de jeter ce pavé dans la mare de la presse nationale et d’inviter plutôt la communauté à un débat interne. Mais il faut croire que l’occasion était trop bonne.
Ce que leur vindicte a fait oublier à nos trois compères lorsqu’ils ont trempé leur plume dans le fiel, c’est que Moïse a signifié que la vocation du peuple juif était d’être « un royaume de prêtres et une nation sainte ». Cela n’implique certes pas que nous devons plastronner devant l’humanité mais cela n’est pas non plus une injonction de raser les murs.
Ce qu’ils ont également oublié c’est que le judaïsme libéral vit aux crochets du judaïsme religieux et qu’il ne serait qu’un grand néant si, pendant que ses lieux de culte n’existaient pas, les maisons d’étude du monde religieux n’avaient cessé – pendant deux millénaires – de briller jour et nuit de tous leurs feux pour livrer à l’humanité le message inaltéré de Moïse.
source : lessakele