RIO DE JANEIRO (AFP) - L'interdiction d'un char allégorique représentant les corps squelettiques empilés de victimes de l'Holocauste, surmontés d'un danseur déguisé en Adolf Hitler, a suscité la grande polémique de l'édition 2008 du Carnaval de Rio de Janeiro.
Jeudi, la justice de Rio a interdit que ce char soit présent dimanche dans le défilé de l'école de samba Unidos da Viradouro sur le Sambodrome de la ville, une avenue de 700 mètres bordée de gradins pour plus de 70.000 spectateurs construite en 1984 par l'architecte Oscar Niemeyer.
Le Carnaval "ne doit pas servir d'outil de culte de la haine ou d'une quelconque forme de racisme, ni à la banalisation d'événements barbares", a estimé la juge Juliana Kalichsztein, saisie de l'affaire par la Fédération israélite de Rio de Janeiro.
Le char était le cinquième des huit chars du défilé de Viradouro, qui a choisi cette année le thème "C'est à donner la chair de poule!" et entend illustrer les émotions qui touchent l'être humain.
Paulo Barros, le "carnavalesco" (metteur en scène) de l'école, qui a conçu le défilé, a entamé une véritable course contre la montre pour transformer son char en moins de 48 heures. Il a maintenant l'aspect d'un grand gâteau blanc. Sans donner plus de détails, M. Barros a dit que l'idée centrale était "une protestation en défense de la liberté d'expression".
Le "carnavalesco" est apparu en larmes à la télévision. "C'était un char très respectueux qui devait donner une représentation de l'Holocauste afin que cela ne se reproduise pas. Dommage que les gens n'aient pas compris", a déclaré Paulo Barros.
Entre-temps, la polémique bat son plein entre ceux qui sont pour l'interdiction du char et ceux qui sont contre. Le quotidien de Rio O Globo de samedi a consacré une page entière à ces prises de position.
"Il semble que tous les Juifs de Rio pensent la même chose que l'organisation qui a saisi la justice et que le restant de la société pense le contraire. Voici la preuve du contraire: des Juifs se prononcent contre l'interdiction et des non-Juifs en sa faveur", écrit le journal, qui estime que la "liberté d'expression est la grande gagnante" de ce débat.
"Le char est de mauvais goût, mais l'interdire est encore pire", déclare un journaliste qui se présente comme "citoyen brésilien et juif". Mais un autre journaliste, non-juif, soutient l'interdiction. Il estime "inapproprié" de représenter en plein Carnaval la mort de six millions de Juifs dans les camps d'extermination nazis lors de la Seconde Guerre mondiale.
Paulo Barros, pour sa part, redoute que la censure ne coûte cher à son école, car le nouveau char "ne sera pas aussi sophistiqué que le premier", selon lui.
Cela pourra faire perdre des points précieux à Viradouro et par conséquent l'éloigner du prestigieux titre de "Championne du Carnaval 2008" qu'elle disputera avec onze autres concurrentes dans les défilés de dimanche et lundi dans la nuit.
Paulo Barros a expliqué qu'il voulait montrer dans son défilé tout ce qui donne la chair de poule: de la joie devant la naissance d'un enfant à la peur et à la répugnance, de l'amour à l'horreur que l'homme est capable de susciter.
Il a rappelé que d'autres écoles avaient eu en 1989 et 2000 des chars interdits par la justice à la demande de l'Eglise catholique, et a estimé que leur transformation de dernière minute leur avait donné plus de force.