Cormoran

Je me souviens d'une petite robe que maman avait détricotée pour utiliser la laine afin de me faire un tricot. Tu ne peux pas savoir Cormo, la peine que je pouvais avoir, c'était comme si une " partie de moi-même " se
" détricotait "... C'est fou comme certaines sensations d'arrachement... peuvent remonter loin dans la petite enfance. Surtout que toi comme moi, n'avons pas connu la mode du changement comme cela s'est fait après.
Il fallait tout " faire durer " en le réparant... après bien souvent en avoir hérité de plus grands...

Guiti,

Il faut replacer les choses dans le contexte de l'époque et de tout ce qui allait avec... Les hommes en Allemagne pendant l'occupation, toutes les femmes devaient prendre leur place à l'usine, si elles voulaient assurer
à elles seules la vie de la famille. Ma mère qui ne pouvait plus être couturière par pénurie de textile, fut de ces femmes-là.

Je restais des journées entières à l'appartement sans voir personne d'autre que la concièrge quand elle montait voir si tout allait bien alors que je jouais toute seule dans ma chambre.

J'ai appris à me construire dans la solitude, mais je ne m'en plains pas car j'ai ainsi appris aussi à développer mon imaginaire.
Je témoigne seulement mais c'est en toute neutralité. Sans gémir !!!
Comme toi tu peux témoigner de tout ce que tu vivais entre vous les enfants.

jacqueline a écrit:

Je me souviens d'une petite robe que maman avait détricotée pour utiliser la laine afin de me faire un tricot. Tu ne peux pas savoir Cormo, la peine que je pouvais avoir, c'était comme si une " partie de moi-même " se
" détricotait "... C'est fou comme certaines sensations d'arrachement... peuvent remonter loin dans la petite enfance. Surtout que toi comme moi, n'avons pas connu la mode du changement comme cela s'est fait après.
Il fallait tout " faire durer " en le réparant... après bien souvent en avoir hérité de plus grands...

Justement il y a qques jours je racontais a mes petits-enfants que lorsque j'etais jeune nous ne jetions pas comme a present les vetements ,bas ou chaussures comme ils le font. Il y avait des remailleuses,des stoppeuses et aussi des cordonniers. Les cordonniers il y en a encore chez nous, mais tres peu , les 2 autres metiers sont morts.

Il y a d'autres metiers dont je me souviens. Existent-ils encore:charbonnier, aiguiseur,rempailleur?

Des rempailleurs oui, souvent des gitans. Très habiles.
Combien de familles faisaient face grâce à l'ingéniosité des femmes ?
J'aimais cet objets que l'on gardait en en prenant soin. Les draps qui finissaient en torchons et chiffons quand plus rien d'autre n'était possible. Les chaussures de cuir que réparait le cordonnier.

Beaucoup de matériel est fabriqué pour ne durer qu'un temps limité. Souvent une réparation reviendrait aussi cher qu'une nouvelle acquisition. Je déteste cette obligation de consommer.


...

J'ai conserve des draps en coton brodes et avec mes initiales. J'essaye vainement de refiler ca a mes enfants mais personne ne veut des draps si lourds qu'il faut repasser, amidonner, alors qu'a present les draps sont leger et plus de corvee de repassage. La broderie a la main est aussi du passe.

Je confirme; et avec les gadgets de la vie moderne, c'est encore pire. J'ai réfléchi à plusieurs fois avant de jeter mon premier clavier d'ordinateur!


Mon imprimante 3 en Un Canon, elle n'avait que trois ans! Mais personne ne voulait la réparer, même pas le magasin qui me l'avait vendue!
Ils m'ont dit:

"Il faut la remettre dans son emballage d'origine, et l'envoyer en colissimo à l'usine quelque part en France. Ils l'examinent, et vous écrivent pour vous donner le devis de la réparation. Vous envoyez votre accord. Et ils vous le renvoient aprés, à vos frais!
Au total, réparation et frais de port vous coûteront plus cher qu'un appareil NEUF."


Et voilà comment j'ai acheté un Brother, et que, le coeur brisé, j'ai descendu au local poubelle, ma belle Canon qui avait l'air toute neuve!

Pourtant Ariella que c'est beau !
Et les matières, lin, coton, métis...

Oui Cormoran, j'ai entendu cette chanson. Je me souviens aussi d'une époque où sont apparues sur le marché de petites montres de rien. A piles. Fabriquées en lointain pays par une main d'œuvre à peine payée. Elles étaient moins chères que les piles qu'il nous fallait acheter pour remplacer celles de nos montres.

...

J'ai une imprimante Lexmark que j'ai achete il y a qques mois 250 shekels. J'ai du changer les 2 cartridge. J'en ai achete un original et l'autre non> ils me sont revenus plus cher que l'imprimante. Je regrette de les avoir change car celui en couleur n'est pas original et a seche apres qques semaines. J'aurais du jeter l'imprimante et en acheter une neuve.

J'ai une chaine stereo AKAI de toute beaute que je n'utilise plus. Je ne peux plus la soulever, sinon j'attrappe une hernie sur le champ. J'aimerai bien la jeter, mais mysterieusement ma femme s'y oppose. Et pourtant, elle n'accumule rien si ce n'est des fringues.
Ma femme est une grande ennemie de l'electro-menager. Quand j'ai voulu acheter un micro-onde elle m'a dit qu'elle etait d'accord a la condition que je le nettoie.

Avec elle, j'ai appris a ne pas garder le superflu. Aussi, souvent il me manque quelque chose que j'ai jete la veille....

Aussi, a part les papiers et les photos, j'ai appris a ne plus m'attacher a autre chose qu'a des personnes.

Pour l'électro ménager, ta femme n'a pas tout à fait tort. C'est souvent une source de tracas et de corvées supplémentaires.


Le chouette robot mixer! On te l'a vendu en te démontrant qu'il peut te faire un jus de fruit en trois minutes. Mais on ne t'a pas dit qu'il fallait ensuite trente minutes de nettoyage du bocal, et des couteaux.

Idem pour le petit aspirateur de table, si pratique pour enlever les miettes. Quelques secondes d'aspiration, puis démontage laborieux, vidange du sac dans la poubelle, nettoyage, remise en place.
Un coup de torchon aurait fait tout aussi bien, sans servitude annexe!

Jacqueline, à la libération, mes parents n'étaient pas à la maison, mais au travail ; nous on était dans la rue - la rie avec l'accent - il y avait nous 3, et les voisins, 7 ou 8 mômes. On allait place des Vosges pour jouer après l'école. De temps à autre, une de mes tantes venaient nous faire à goûter, mais sinon, on se débrouillait. On laissait des ardoises chez le boulanger, pas d'autres choix.
Et puis aussi on jouait dans la cour, et les voisins gueulaient - tous des antisémites, sinon ils n'auraient rien dit.
La concierge tenait avec nous de toute manière.
C'est mortelle, une maison vide. Je te jure que la rue, c'est beaucoup mieux.
Et après, j'ai eu la bibliothèque, j'y allais 3 fois la semaine, je plongeais dans la lecture. Je prenais les livres par ordre alphabétique par manque de conseil, j'ai même ramené un livre de Willie, le mari de colette, à la maison. Mon père m'a filé une rouste, ce jour la, parce que ma soeur a cafté. Comment connaissait-elle? mystère.

Guitl,

Tu as eu une enfance plus drole que la mienne. Mes parents nous interdisaient, ma soeur et moi, d'aller jouer seuls aux Buttes-Chaumont qui se trouvait a 20 metres de la maison. Ce n'etait pas bien... En fait, ils ont reporte inconsciemment leurs peurs de la Shoah sur nous.
Quand je fus plus grand (10-11 ans), j'ai eu droit d'aller a la bibliotheque municipale, dans la mairie du 19e, l'entree de l'autre cote du batiment.
Moi aussi je lisais tout, mais sur place. Comme j'y allais pratiquement tous les jours ouvrables, la bibliothecaire finit par me conseiller. Aussi, chez moi, ca a ete plus systematique.

Cormoran a écrit:

Pour l'électro ménager, ta femme n'a pas tout à fait tort. C'est souvent une source de tracas et de corvées supplémentaires.
(...)

♪♪♪

Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son coeur
Aujourd'hui, c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
(Ah? Gudule!)

Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidaire
Un joli scooter
Un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière
Avec un four en verre
Des tas de couverts
Et des pell' à gâteaux

Une tourniquette
Pour fair' la vinaigrette
Un bel aérateur
Pour bouffer les odeurs

Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux
Et nous serons heureux

Boris Vian, La complainte du progrès.

...

Celle-la, je l'avais oublie! Merci Bernadette!

Pour revenir à l' " ancien temps "... Les draps ne s'usent que dans le milieu, aussi, nous rapprochions les bords pour en faire une fine couture puis nous coupions l'intérieur pour ourler les nouveaux bords... Puis après en effet,
ça devenait des torchons...

Guiti,

J'étais toute petite au début de la guerre puisque je suis née fin 35, et ma mère était bien obligée de me laisser seule à la maison, puisqu'elle n'avait personne pour me garder... Après, lorsque je suis rentrée à l'école primaire, Je pouvais aller jouer au square derrière chez nous avec les enfants du quartier. Mais tant que j'étais d'âge à aller à l'école maternelle, c'était vraiment tristounet car en plus, il ne venait jamais d'enfants à la maison.
Après le retour de captivité de mon père la vie de pensionnaire dans une pension religieuse m'attendait avec le régime de faveur de l'époque....