L’Amérique a-t-elle changé depuis la victoire des Démocrates aux élections mi-mandat ? En tout cas, elle s’interroge sur son avenir, et sur la voie à suivre en matière de politique étrangère, que ce soit en Irak ou ailleurs. Mais les zones d’ombre persistent. Dans un article publié le 22 décembre 2006 dans le International Herald Tribune, et intitulé «Save us from the idealists», William Pfaff s’inquiète ainsi de voir l’administration Bush rejeter les propositions de l’Iraq Study Group, considérant qu’elles ne sont pas suffisamment idéalistes.
Il faut dire que la première phrase du résumé du rapport connu sous le nom de Baker-Hamilton est sans équivoque : «La situation en Irak est grave et se détériore» ! Suivent les fameuses 79 recommandations sur ce qui devrait être fait afin de sortir du bourbier dans les meilleures conditions. Mais il est vrai que la réponse tant attendue du principal intéressé, le grand vaincu des élections mi-mandat de novembre 2006, fut pour le moins évasive : «Je remercie les membres du groupe, et nous allons examiner de près leurs recommandations». De quoi décevoir ceux qui, comme Pfaff sans doute, s’attendaient à un signe net. Au lieu de cela, explique le journaliste, «l’idéalisme de Bush explique pourquoi il hait les proposition de l’Iraq Study Group, trop réalistes». Et puis, les orthodoxes les plus fanatiques (au premier rang desquels Robert Kagan, le fameux idéaliste qui a fait un rêve, celui que les Américains descendent de Mars et les Européens de Vénus (tandis que Ménès et Fu-hi descendent de Noé, disait tout aussi sérieusement l’historien, et ennemi préféré de Voltaire, Rollin !), pensent toujours que la politique étrangère américaine devrait être de «faire» la démocratie. Leur réponse aux moqueries sur l’expérience irakienne : le projet était bon, il a juste mal été exécuté ! La faute à Bush et son équipe donc, tandis que les idéalistes, non contents de ne pas être aux commandes d’un Exécutif devenu difficile à manœuvrer, se réfugient derrière des certitudes dogmatiques.
William Pfaff a raison de s’inquiéter de ces personnages pour le moins douteux, et qui profiteront de la moindre occasion pour ressortir leurs thèses aberrantes, soit pour critiquer le «mauvais élève» Bush, soit pour s’en prendre aux «traîtres» démocrates, soit pour cibler, une fois de plus, «ces vilains français» qui avaient même, selon les propos de certains, de la sympathie pour Saddam Hussein. De telles accusations ne datent pas du milieu des années 80, mais bien de 2003, quand des millions de personnes que la mort du dictateur n’a pas attristé (même si elle a choqué dans la manière). Les néoconservateurs ont eu certaines vertus, comme celle de proposer une politique étrangère à un moment où rien d’autre ne se présentait sur le marché, mais ce sont des personnages dangereux et décidément bien mal inspirés.
la suite....
http://www.europeus.org/archive/2007/01/06/etats-unis-la-fin-des-idealistes.html#more