Iran : Analyse de la rumeur d’un raid israélien
09.01.2007
Bien qu’Israël dispose certainement de l’armement pour frapper efficacement les installations nucléaires iraniennes, mener l’attaque semble plus problématique. L’un des problèmes est le survol de pays musulmans qui entourent l’Iran. Ainsi Israël a le choix entre 3 itinéraires : via l’Irak, via l’Arabie saoudite, ou via la Turquie.
Le survol du territoire irakien par l’aviation Israélienne est un point discutable. Cette mission exigerait la coopération des Etats-Unis, mais Washington devrait catégoriquement refuser afin de ne pas heurter la sensibilité musulmane de ses alliés arabes et le fragile consensus qu’il a façonné au Conseil de Sécurité. L’itinéraire Saoudienne est également difficilement imaginable. Restera donc une troisième solution qui serait de demander à la Turquie d’utiliser son territoire pour lancer des attaques contre les installations nucléaires de l’Iran. La Turquie a de relativement bonnes relations avec l’Iran et il dépend des fournitures de gaz iranien, sans prendre en compte son éventuelle hostilité à prêter main-forte à l’état juif pour attaquer un état musulman. En tout état de cause, il serait moins problématique de tirer des missiles balistiques contre les cibles iranienne que de résoudre le problème des survols.
Pour une telle attaque, l’armée israélienne pourrait avoir recours à des missiles nucléaires Jéricho II, attaque aux conséquences politiques désastreuses au niveau mondial... et une option avec des missiles conventionnelles serait aussi désastreuse pour Israël et en plus la réussite de l’attaque n’est pas garantie. C’est pourquoi on évoque si souvent la solution d’un raid aérien israélien de l’armée de l’air (IAF).
Ce raid utiliserait probablement des avions F-15I Ra’am (tonnerre) du soixante-neuvième escadron basé à Hatzerim dans le nord du Néguev. Le F-15I, ressemble au F-15E de l’USAF. Vingt-cinq F-15I sont en service dans l’IAF depuis 1999. Capable de transporter autant d’artillerie qu’un bombardier lourd de la II° guerre mondiale, le F-15I peut également déployer des munitions à guidage de précision et peut pénétrer l’espace aérien ennemi à très faible altitude et avec une vitesse élevée. Le précédent de l’usage par Israël des raids aériens comme réponse conventionnelle est le bombardement du réacteur irakien Osirak en 1981. L’IAF a également à plusieurs reprises démontré sa capacité à mener des opérations à longue portée, comme l’incursion de 1976 sur Entebbe et l’attaque de 1985 contre le siège de l’OLP à Tunis.
L’attaque de l’IAF devra inclure d’autres avions en plus des F-15I. Une fois qu’ils entreront dans le ciel iranien, les Israéliens devront anéantir la défense aérienne iranienne. Ceci serait probablement accompli par les F-16I. En pénétrant en Iran via la Turquie, au cas où cette dernière autoriserait le survol, sur la route des installations nucléaires, des raids séparés devraient neutraliser la 3e base aérienne tactique de l’armée de l’air iranienne (IRIAF) à Hamadan pour empêcher ses F-4 de s’opposer à l’incursion. Sur le retour, la base aérienne de l’IRIAF à Tabriz, avec ses F-5 et MiG-29, devrait être neutralisée. Tous ces avions, ceux envoyés contre les bases aériennes et ceux envoyés contre les sites nucléaires, auraient eux même besoin d’avions de protection. En raison de la taille et de la dispersion du programme nucléaire de l’Iran, les Israéliens ne pourraient pas réussir avec un simple raid comme il a été fait pour Osirak. Israël devrait plutôt effectuer des attaques multiples et l’opération nécessitera des ravitaillements en vol. C’est pourquoi sans une approbation de la Turquie, une telle opération est impossible.
La Turquie et Israël ont des liens de sécurité bien développés, y compris un accord de 200 millions de $ sur des drones sans pilotes fabriqués en Israël pour l’armée Turque et la formation des pilotes Turcs à la guerre électronique en Israël. Les sociétés aérospatiales israéliennes ont amélioré la flotte de F-4 de la Turquie avec de l’électronique récente et la capacité d’attaquer des emplacements de défense anti-aérienne.
En 2005, les États-Unis et Israël ont tenté de faire balancer Ankara de leur côté. Les patrons du FBI et de la CIA se sont déplacés à Ankara. Au cours de ces visites Ankara a été invitée à aider les États-Unis dans la question nucléaire iranienne, mais la Turquie n’a pas joué le jeu selon les règles américaines et a essayé de ne pas faire des actions qui seraient susceptibles de nuire à ses propres ambitions nucléaires. Même si la Turquie ne serait pas ravie que le régime des mollahs puisse revendiquer le leadership du monde musulman, il est probable que les ambitions nucléaires des mollahs puissent servir les leurs. Il est donc hasardeux de tabler sur un laisser-faire Turc en cas d’un raid israélien sur l’Iran. Une attaque aérienne massive visant les installations nucléaires de l’Iran semble donc difficile pour l’IAF.
De nombreux iraniens vivant en Iran estiment que la libération de l’Iran du joug des mollahs ne sera pas possible sans une intervention militaire étrangère qui détruirait les centres nerveux et les centres du commandement du régime et de ses milices. Dans ce cas, il est probable que les miliciens de base pourront se révolter ou même déserter laissant le pouvoir sans défense... Mais parallèlement les iraniens craignent que l’objectif politique d’un raid israélien soit uniquement de détruire les installations industrielles du régime sans l’attaquer en vue d’aider les iraniens. On pourrait comparer ce cas à celui de l’abandon des chiites après la première Guerre du Golfe consécutive à l’invasion irakienne du Koweït. Saddam réprima sévèrement les insurgés et consolida son pouvoir et resta encore au pouvoir 12 ans et s’il n’avait pas joué les fortes têtes, il y serait encore. Nous sommes donc devant ce dilemme.
Cet article tapageur Sunday Times nourrit ces inquiétudes du peuple iranien et bien avant le raid consolide le pouvoir des mollahs car le peuple iranien n’y voit aucun signe amical de la part d’Israël, ni aucune déclaration encourageante quant à l’aptitude des Israéliens à secourir les Iraniens qui ont secouru le peuple juif à plusieurs reprises au cours de l’histoire.
Nous avons cherché à aborder les informations du Sunday Times sous un angle technique suivi d’une réflexion éthique afin de montrer les conséquences complexes et terribles de cette manchette tapageuse et peu documentée du Sunday Times. Il va de soi que l’article a déclenché une réaction en chaîne où de nombreux sites, espérant augmenter leur nombre de hits, ont rediffusé « les informations » sans les vérifier et ensuite, ils ont rediffusé la réponse des mollahs. Il va également de soi qu’une riposte iranienne sera encore plus difficile pour les mêmes difficultés de survol mais aussi pour le nombre réduit d’avions de chasse iranienne...
Nous avons pris le temps d’écrire cette analyse afin d’encourager les autres sites à plus de retenue afin qu’ils ne se transforment pas en caisse de résonance pour des titres « tabloïd », les intégristes de Téhéran et les intérêts occultes de ceux qui pour X raisons préfèrent que ces mollahs demeurent au pouvoir en Iran.
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