La "faute" de l'historien incorrect.Par Ivan Rioufol
le 30 avril 2008 "Les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes", avait estimé Jacques Chirac en octobre 2003, au cours d'une conversation avec Philippe de Villiers, rapportée par ce dernier. Le président de la République se faisait l'interprête d'une "relecture" de l'histoire, entamée il y a quarante ans, visant à attribuer à l'islam, à ses intellectuels (Averroès, Avicennes, Algazel, etc) et aux "Lumières" andalouses un rôle prépondérant dans la transmission de la culture grecque à l'Occident, et singulièrement de la pensée d'Aristote. Cet argument avait permis de justifier l'opposition de Chirac à la demande de Jean-Paul II de voir " les racines chrétiennes de l'Europe" mentionnées dans le projet de préambule de la Constitution européenne, rejeté en 2005. Or, pour avoir choisi de rééquilibrer cette historiographie moderne faisant des arabes musulmans les inspirateurs de l'âme européenne, l'historien Sylvain Gouguenheim est au centre d'une polémique qui dépasse l'analyse historique pour rejoindre des préoccupations politiques. Professeur d'histoire médiévale à l'Ecole normale supérieure de Lyon, l'auteur soutient (Aristote au Mont-Saint-Michel: les racines grecques de l'Europe chrétienne, Seuil) que les couvents du haut Moyen-âge et notamment les traducteurs du Mont-Saint-Michel surent garder les liens avec la Grèce et que ce furent les arabes chrétiens qui traduisirent les textes antiques. Ce mercredi, dans Libération, un "Collectif international de 56 chercheurs en histoire et en philosophie du Moyen-âge" instruisent contre l'historien incorrect un authentique procès en sorcellerie. Ce dernier est accusé de proposer "une relecture fallacieuse des liens entre l'Occident chrétien et le monde islamique" et de tenir "une série de raisonnements fallacieux" au profit de "thèses qui relèvent de la pure idéologie", puisant dans un "présupposé identitaire", un "racisme culturel " et une inspiration "proche de l'extrême-droite". Bref, pour ces Fouquier-Tinville, la démarche de Gouguenheim "relève d'un projet idéologique aux connotations politiques inacceptables". Je me garderai de trancher la querelle historique, s'il y en a une. Reste que la violence de ces réactions montre une volonté d'imposer comme vérité établie une "relecture" favorable à l'islam, dont la contestation légitime est suspectée de racisme, d'extrémisme et d'islamophobie (le mot est employé, ailleurs, par l'un des initiateurs de la cabale). En ce sens, cette affaire est révélatrice d'une intolérance qui s'installe, notamment dans certains milieux intellectuels, au profit d'une idéologie dont on serait prié de ne retenir que les bienfaits, y compris au prix de contorsions historiques. J'espère que Sylvain Gouguenheim trouvera ses défenseurs. http://blog.lefigaro.fr/rioufol/2008/04/la-faute-de-lhist...
site du Bureau national de vigilance contre l'antisemitisme