SI JE N'AVAIS pas été vierge le jour de mon mariage, ma famille m'aurait tuée », martèle Myriam, 20 ans, qui a épousé cet été un Marocain au village de ses parents. Elle se défend d'exagérer, raconte les coups et les claques, évoque des cousines retenues à la maison ou renvoyées au bled pour avoir fréquenté un garçon : elle tremblait d'être découverte. Entendant parler de la réfection d'hymen, elle n'a pas hésité. Elle s'est rendue dans un hôpital du nord de Paris, a supplié le médecin... qui a cédé. Grâce à une simple opération, elle a taché de sang le drap lors de son mariage, sauvant « l'honneur de la famille ».
Comme elle, des centaines de jeunes filles se refont chaque année une virginité à l'hôpital. Le phénomène a démarré à la fin des années 1980, lorsque les filles maghrébines nées en France se sont retrouvées prises entre les tentations de la vie française et les moeurs des parents. Depuis, les demandes de réfection d'hymen ne font qu'augmenter dans les services de gynécologie des hôpitaux, symptôme de la montée en puissance des pressions religieuses et machistes.
Confrontés à l'angoisse des jeunes filles, les médecins hésitent. Longtemps, ils ont accepté de rédiger des « certificats de virginité », usant de formules subtiles pour se couvrir en cas de contre-expertise. « Ils écrivaient : »À ce jour, mademoiselle est vierge* », raconte Sonia, régulièrement envoyée chez le médecin par un père soupçonneux. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a clarifié les pratiques. Désormais, les médecins sont invités à refuser de rédiger de tels certificats « qui n'ont pas de finalité médicale, selon le Pr Jacques Lansac, président du CNGOF. C'est une atteinte à la dignité des femmes. Et puis, nous n'avons pas à faire des faux...»
Si la disparition de ces certificats de complaisance fait l'unanimité, les praticiens sont plus divisés sur la réfection d'hymen. À Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le chef de l'obstétrique, Stéphane de Saint-Léger, ne pratique cette intervention que lorsque la jeune fille court des risques physiques. « C'est une chirurgie réparatrice, relativise-t-il. Nous faisons bien de la chirurgie esthétique, pourquoi refuser cet acte ? » Le professeur Lansac, lui, se bat pour que cessent ces actes : « Nous ne devons pas cautionner les obscurantistes. »
« On est conditionnées... »
« Avant, les gens se pliaient aux règles, résume Stéphane de Saint-Léger, maintenant ils veulent imposer les leurs. » Les pressions viennent des nouvelles populations immigrées, notamment les Pakistanais ou les Turcs, mais aussi et surtout des enfants de l'immigration. La première génération de filles d'Algériens a bien tenté de s'émanciper dans les années 1980, mais beaucoup de mariages mixtes ont échoué et ces divorces sont devenus, dans l'esprit des familles conservatrices, la preuve qu'il ne fallait pas s'aventurer hors de la communauté. L'arrivée de migrants plus pieux a fait le reste.
Aujourd'hui, les adolescentes assument mal une rupture avec le modèle familial. « On est trop conditionnées, explique Safia, 25 ans. Les parents nous inculquent ce tabou depuis toutes petites, nous gardent à la maison dès qu'on prend des formes, font passer la coquetterie pour de l'aguichage. »
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