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Ha'aretz, 20 novembre 2006
Les enfants de Sderot ne veulent plus rentrer chez eux
Mikhal Grinberg et Or Kashti
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Le système scolaire de Sderot est plongé dans une situation absurde.
Beaucoup d'élèves sont tout simplement à Eilat. Ces derniers jours, il y a
eu débat entre la municipalité et le ministère de l'éducation. Au niveau
local, on souhaitait envoyer un message : tout est normal. Et ne pas
déscolariser la plupart des élèves. Le ministère avait des propositions plus
ambitieuses. Un compromis a été trouvé : envoyer les élèves de première et
de terminale dans des lieux de retraite studieuse, afin qu'ils puissent
rattraper leur retard par rapport aux autre élèves du pays. Le reste devait
être mis en vacance, hors de la ville.
Sur ce, Anatoli Gaydamak est arrivé, et a rebattu les cartes (1). Hier,
personne ne pouvait dire combien d'enfants étaient à Eilat. Le président de
l'association des parents d'élèves estimait leur nombre à 2.000, la mairie
pariait sur 300, et le ministère de l'éducation avançait que 1.000 élèves se
trouvaient à Eilat, sans aucun cadre scolaire. Certaines sources au
ministère affirment que des inspecteurs ont été envoyés pour essayer
d'arranger les choses, superviser les élèves et, si possible, les ramener à
Sderot.
Les autres élèves, ceux qui étaient restés en ville, ne savaient pas trop
quoi faire. Sderot compte environ 4.000 enfants scolarisés, dont 1.000 en
maternelle. Plusieurs centaines d'élèves du primaire ont été envoyés en
villégiature à Tel-Aviv et à Beit Govrin. D'autres ont décidé de rester à
l'école.
Comme d'habitude, les élèves de maternelle sont venus en masse, mais très
peu du primaire et du secondaire. Certains enfants affirment qu'ils ont été
parmi les seuls à venir à l'école. D'autres sont donc partis à Eilat par le
bus quotidien offert par Gaydamak, et se sont battus pour avoir une place.
A., l'une des mères, dit : "tous les gamins sont à Eilat, alors pourquoi
n'irions-nous pas?". Dans les écoles du courant religieux, la fréquentation
a été plus forte.
Quelques heures après l'atterrissage d'une fusée Qassam non loin de son
chemin vers l'école, l'élève de sixième Eli Eliav ne souriait pas beaucoup
pendant un voyage de sa classe à Tel-Aviv, organisé par le ministère. Ils
étaient quelque 500 élèves du secondaire à visiter la place Rabin et le
Musée d'Israël avant de prendre le chemin du retour. Pour Sderot.
Eli explique que deux roquettes étaient tombées non loin de lui auparavant,
mais que celle-ci avait été la plus proche : "J'ai vu la roquette en l'air.
Tout le monde a cherché à se masser dans l'abri-bus." Et Eli ne veut pas
rentrer à Sderot : "Si je pouvais, je quitterais la ville. Je n'en peux plus
d'avoir peur qu'une Qassam me tombe dessus."
Beaucoup d'autres enfants ne veulent pas non plus retourner à Sderot. L'un
dit : "on ne peut pas apprendre grand chose à l'école, parce qu'il y a tout
le temps des alertes. Ce qui fait le plus peur, c'est sur le chemin de
l'école, parce que là, on pense toujours : où vais-je bien pouvoir me
cacher?"
D'autres ont le sentiment qu'ils doivent retourner. Moshe Abergi, en sixième
: "Ma famille est là-bas. C'est chez moi." Mais Dina Hadad, proviseure de
l'école religieuse de Sderot, dit que seules les familles les plus pauvres
sont restées en ville : "Les parents ont peur de quitter la ville parce que
leurs salaires pourraient être diminués, ou qu'ls pourraient être licenciés.
Seuls ceux qui ont peur de la réaction de leur employeur sont restés en
ville, ou ceux qui n'ont aucun lien avec les organisateurs des bus de
Gaydamak."
L'une des causes principales de ce désordre est l'absence de protection des
écoles. Le Front de l'arrière a bien renforcé certaines parties des écoles,
mais seules un tiers des classes sont protégées. Des parents en colère ont
saisi la haute cour de Justice pour exiger du gouvernement qu'il explique
pourquoi toutes les classes ne sont pas protégées. L'une des raisons de
faire partir certains enfants de la ville a été de s'assurer que tous ceux
qui restent fréquentent des classes protégées. Hier, au cours d'une réunion
à Jérusalem, Olmert a ordonné que toutes les classes de primaire soient
protégées.
Certaines sources au sein du commandement du Front de l'arrière ont répondu
que cela exigeait des budgets, et qu'il faudrait une semaine pour estimer
les coûts et l'étendue des travaux de protection, et environ trois mois pour
la mise en oeuvre. Hier, le ministère de l'éducation a dit que les élèves du
secondaire allaient être envoyés dès mardi en retraite studieuse à Beer
Sheva, et que les plus jeunes allaient être envoyés en voyages de classe
dans la seule région du Néguev.
Dina Hadad, dont 80% des classes sont déjà protégées, dit que la récente
escalade a provoqué une violence accrue à l'école et un retard dans le
programme scolaire. Sa responsabilité envers les enfants en cas de tirs de
Qassam l'empêche de dormir : "Cela fait trois semaines que nous ne les avons
pas emmenés à l'extérieur pour qu'ils aient un peu de répit. L'école est une
cocotte-minute et personne ne sait quand elle explosera. A la fin de la
journée, je me dépêche de mettre les enfants dans les bus, et je me dis :
merci mon Dieu, la journée est finie. Et puis, je commence à m'inquiéter
pour le lendemain. "
(1) Anatoli Gaydamak, bien connu en France, entre autres pour avoir voulu
(sans succès) racheter France-Soir, est recherché par Interpol pour vente
illicite d'armes (il serait impliqué dans l'affaire Falcone) et autres
joyeusetés. Installé en Israël, il s'est "offert" le club de football du
Beitar Jerusalem. Récemment, il a pris l'initiative d'offrir aux enfants de
Sderot des vacances à Eilat, sans aucune coordination avec les services
concernés.
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