Avis de tempête sur la tournée antillaise de Ségolène Royal
PARIS (AP) - "Man Royal sav' kè nous ka atann' ou", dit un blog antillais en créole, en clair, "on vous attend". C'est un parcours d'obstacles qui menace Ségolène Royal pour sa première visite aux Antilles en fin de semaine, tant l'affaire Georges Frêche a hérissé sur place. Des associations appellent déjà à la mobilisation pour exiger l'exclusion du PS du président de la région Languedoc-Roussillon.
Même à 7.000km de Paris, pas de répit: chahutée en métropole sur le "trou d'air" de sa campagne, la candidate socialiste va devoir affronter la colère des Antillais sur les propos prêtés à Georges Frêche sur la part de "blacks" dans l'équipe de France de football. Elle est attendue à partir de jeudi soir en Martinique et en Guadeloupe pour une tournée électorale marathon de quatre jours, qui s'annonce mouvementée.
En cause, le changement de pied de la candidate. Mardi dernier, Georges Frêche annonçait qu'il se mettait en congé du Parti socialiste "pour trois ou quatre mois", le temps de la campagne présidentielle. Le lendemain, Mme Royal saluait le geste sur RTL et estimait que le parti pouvait "en rester là". Or, dimanche, elle a haussé le ton en réclamant cette fois l'exclusion pour des propos "inacceptables et humiliants".
La commission nationale des conflits du PS doit se pencher samedi sur le cas de Georges Frêche et décider sa probable exclusion. Le tribunal correctionnel de Montpellier doit aussi se prononcer jeudi sur ses propos sur les harkis, qu'il avait qualifiés de "sous-hommes".
"Quand elle s'est aperçue qu'elle avait ce voyage à faire, Mme Royal s'est intéressée au problème", fustige Claude Ribbe, du Collectifdom, pour qui la candidate "n'a pas compris que l'affaire Frêche avait profondément blessé l'Outre-Mer". Forte de 10.000 membres, l'association exige le report de sa visite après la décision du PS.
Sinon, "elle s'expose à des manifestations", prévient M. Ribbe, qui se défend de tout esprit partisan et dont le collectif se targue d'avoir contraint Nicolas Sarkozy à reporter sa tournée antillaise (qui a eu lieu en mars) en raison de l'article de loi sur le "rôle positif" de la colonisation, aujourd'hui abrogé.
"Quand on tient des propos qui la blesse, elle distribue tout de suite un carton jaune", note-t-il en allusion à la célérité de la sanction contre Arnaud Montebourg. "Ce n'est pas une réserve d'indiens l'Outre-Mer, c'est 3% des voix", tance-t-il. "Qu'elle prenne garde qu'Aimé Césaire ne le lui dise pas", prévient cet "ami" du chantre de la "négritude", que la candidate de la "bravitude" doit voir vendredi.
Piquée au vif, Ségolène Royal s'est défendue mardi en assurant qu'il n'y avait pas "la moindre ambiguïté" dans ses propos. La députée de Guyane Christiane Taubira, qui vient d'intégrer son équipe de campagne, est venue à sa rescousse en affirmant que les Antillais n'en faisaient "pas une affaire d'Etat".
Le député PS et président de la région Guadeloupe Victorin Lurel, qui accompagnera Mme Royal et avait condamné les propos prêtés à M. Frêche, l'a également défendue. "Il y a une petite agitation un peu idéologique au motif qu'elle n'aurait pas été assez claire", "elle a été très claire puisqu'elle a demandé l'exclusion!", a-t-il dit à l'AP. "M. Frêche, je n'en doute pas, sera exclu du PS", ajoute le député, membre du Collectifdom.
Outre son changement de ton sur le cas Frêche, Ségolène Royal s'est efforcée ces jours derniers de déminer le terrain avant de partir. Mardi, elle s'est affichée au côté de Christiane Taubira, l'ancienne candidate radicale de gauche à la présidentielle, populaire aux Antilles, et qui n'a pas formellement exclu de l'escorter sur place. En meeting à Toulon, Mme Royal avait aussi qualifié l'esclavage de "crime contre l'humanité" et accusé la colonisation d'avoir "dominé et spolié".
Mais ce n'est pas le seul obstacle qui l'attend. Des associations de défense des homosexuels accusent trois leaders antillais du PS d'avoir tenu des propos homophobes et hostiles au mariage et à l'adoption pour les couples de même sexe, que la candidate du PS a promis de mettre en oeuvre. Or, elle doit en rencontrer un vendredi en Martinique.
Lors de cette visite au pas de charge, Ségolène Royal doit tenir deux meetings. Enfant, elle a passé plusieurs années en Martinique où son père militaire était affecté. Elle a d'ailleurs prévu de se rendre au pensionnat Saint-Joseph de Cluny, à Fort-de-France, où elle a été scolarisée. Avant de partir, elle s'offrira une petite pause dimanche en Guadeloupe, dont le programme n'a pas été divulgué. AP