Les Echos 17 juin 2008 - Le Talmud au secours de la high-tech
AUTEUR: CATHERINE DUPEYRON (À JÉRUSALEM)
En Israël, où il arrive le 22 juin pour une visite d'Etat, Nicolas Sarkozy pourrait faire de bien curieuses découvertes, tout comme l'importante délégation d'industriels menés par le Medef qui l'accompagnera. Si l'on en croit les propos tenus devant un groupe d'anciens HEC en Israël, début juin, l'étude du Talmud est l'une des clefs du succès de la high-tech israélienne. Une conclusion inattendue pour les esprits, plutôt cartésiens, du Groupe de développement international de l'école de commerce, qui compte 44 chefs d'entreprise, avocats, financiers ou cadres dirigeants de grands groupes comme Schneider Electric Industries...
Voilà un an que leur visite a été décidée, avec un objectif apparemment simple : « Comprendre les clefs du succès d'une économie qui, en 2007, a connu une croissance de plus de 5 % », comme le rappelle le président du comité d'organisation de cette mission, Salomon Mizrahi (HEC 1966). Or, lors de la soirée de clôture, réunissant des acteurs de premier plan de la high-tech israélienne, la vraie surprise est venue du professeur Joseph Bodenheimer. Ce scientifique en électro-optique, président du Collège de technologie de Jérusalem, a suivi un cursus associant études d'ingénierie et études bibliques. Un cursus qui lui a permis de rappeler qu'en Israël l'« enseignement est, entre autres, basé sur la tradition juive, qui constitue une approche très ésotérique des problèmes, conciliant différentes logiques sur un seul sujet ». Ainsi, le Talmud, commentaire sur la loi juive, contient une quarantaine de termes pour le seul mot « question ». Autant dire qu'il est le livre du questionnement par excellence, y compris sur des sujets farfelus ou improbables.
C'est ainsi que les rabbins, au IIe ou IIIe siècle, ont réfléchi aux lois applicables « à une tour volant dans l'air », ce qui est devenu les avions, ou bien au foetus transféré dans l'utérus d'une autre femme, autrement dit les mères porteuses. Résultat, « les scientifiques israéliens ont souvent des solutions à des problèmes qui n'existent pas encore »... affirme Nava Swersky Sofer, présidente de Yissum, société de transfert de technologies de l'université hébraïque de Jérusalem. Une situation qui, comme on peut l'imaginer, n'est pas toujours simple à gérer. Mais ouvre la voie à de nouvelles formes d'innovations technologiques.
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Le Parisien Samedi 7 Juin 2008 - La clé magique qu'attendaient les juifs
AUTEUR: Christine Henry
ENCART: Grâce à la « clé sabbat », les juifs pratiquants peuvent utiliser des portes électriques sans enfreindre les règles de leur religion. Une innovation technique qui fonctionne déjà dans les Hauts-de-Seine. Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine)
FINI le casse-tête du sabbat ! A l'office HLM de Clichy-la-Garenne, on a trouvé la parade pour éviter les tracas liés aux pratiques religieuses de la communauté juive. Du vendredi soir après le coucher du soleil au samedi soir ou les jours de fête, les fidèles peuvent entrer et sortir librement de chez eux sans enfreindre la règle qui interdit tout contact avec l'électricité. Quant aux autres locataires, ils ne sont plus agacés par les cales ou les rubans adhésifs que plaçaient les pratiquants sur les portes le « jour du repos ». Tout a changé avec l'apparition, il y a un an, des serrures « mécaniques ». Comme à Georges-Boisseau, l'une des cités les plus « animées » de la commune, équipée d'imposantes grilles noires et de portes d'entrée reliées à un système de sécurité ultra-sophistiqué. Pendant le sabbat et les jours de fête, ces serrures, agréées par le grand rabbin de France, sont activées depuis un PC central qui commande le dispositif de protection. Les fidèles peuvent alors aller et venir librement, grâce à leur « clé sabbat » (le nom qu'ils lui donnent) nouée à leur ceinture.
Les autres locataires, eux, continuent à utiliser leur badge électronique pour actionner les ventouses des portes, comme les familles juives les autres jours de la semaine.
« Avant, il fallait attendre l'arrivée d'un locataire pour se faire ouvrir la porte »
Le concept technique a été inventé à la demande du directeur des investissements de l'OPHLM, Ahmed Gouffi, par la société Visa 2000, spécialisée dans les systèmes de protection et de contrôle d'accès. « Nous avons réalisé des études pendant deux ou trois ans pour parve-nir à intégrer ces serrures mécaniques, plus vulnérables, dans notre système anti-vandalisme et anti-intrusion. La diffi-culté était de préserver l'efficacité de notre dispositif. La clé shabbat, d'ailleurs, n'est pas reproductible, et nous n'en fournissons qu'une par famille », explique Jean-Claude Rives, le patron de la société. Dans la communauté juive de Clichy, qui compte environ 250 familles, on se félicite de cette avancée. « Avant, c'était très compliqué, explique Michèle Chuwes, secrétaire générale de l'Acip (Association concistoriale d'Ile-de-France et de Paris), habitante de la cité Georges-Boisseau. On était tributaires d'un voisin qui venait nous ouvrir à une heure fixée à l'avance. Ou bien il fallait attendre l'arrivée d'un locataire pour se faire ouvrir la porte. A 23 heures, à la sortie des offices, il n'y a pas un chat... J'avais fini par ne plus me rendre à la synagogue. » « Il faut respecter les pratiques religieuses des uns et des autres. D'ailleurs, je suis la première à leur ouvrir la porte quand ils font le pied de grue, par tous les temps. Mais après tout, on vit ensemble et tout le monde devrait être logé à la même enseigne, réagit Marie Pinot, présidente de l'amicale des locataires de la cité. J'estime qu'il ne faut pas afficher ses convictions, ni les imposer aux autres. » Aujourd'hui, une vingtaine de portes sont équipées, l'objectif étant de couvrir tout le parc HLM d'ici deux ans. Et d'autres offices pour-raient bien suivre l'exemple de Clichy.