ectures
Prisonnière des mollahs
Zarah Ghahramani
07/10/08
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- - Thème: Iran
« La peur me saisit à nouveau. Ils n’en ont certainement pas fini avec moi. Vont-ils me bander les yeux pour me conduire encore chez cet homme ignoble ? Est-ce seulement la première des nombreuses fois où, assisse face à lui, je vais devoir lutter de toutes mes forces pour apprendre les règles de ses petits jeux ? (…) Je ne pourrai pas le supporter. Non, j’en suis incapable. »
Zarah Ghahramani a 20 ans lorsqu’elle est arrêtée à Téhéran en pleine rue par la police et conduite à la prison d’Evin pour « incitation à la violence ». Son seul crime : avoir osé critiquer le régime iranien.
Dans son livre « Prisonnière des mollahs », elle nous livre un témoignage sincère et courageux de ses vingt-neuf jours passés dans cette prison où elle fut victime d’humiliations et de tortures.
Issue d’une famille ouverte et moderne, elle jouit d’une grande liberté d’opinion. « Nous détestons les dogmes, nous ne croyons pas à l’idéologie ; nous voulons êtes libres ». Etudiante en langues, elle s’intéresse aux œuvres de Lorca, le poète espagnol. « Je m’imprégnais de leur esprit, qui faisait naître en moi des images de lutte, d’âme prisonnière, de liberté. Cette dernière exigeait que l’on se batte pour elle. »
Un événement majeur a été le catalyseur de son besoin de justice et de sa prise de conscience politique : le jour où sa cousine s’est immolée pour ne plus supporter le mariage qu’on lui avait imposé. Zarah Ghahramani fait la chronique d’une jeunesse à Téhéran après l’instauration de la République islamique. Elle nous raconte la guerre mais aussi les aberrations d’un système comme ce décret interdisant le port de chaussettes blanches dans les établissements scolaires. Elle critique ouvertement le statut des femmes et porte à notre connaissance les souffrances d’un peuple tenu en otage par des fanatiques.
Les souffrances, en effet, morales et physiques. Elle confie avec douleur la faiblesse de l’homme face aux sévices les plus cruels. « Je n’ai rien d’une héroïne », avoue t-elle après avoir trahi ses amis en donnant leurs noms. « Je suis incapable d’endurer de nouveaux coups de ceinture cloutée. Malgré toute ma bonne volonté, je suis incapable de supporter cette souffrance. » Mais pour elle, le pire est atteint lorsque ses bourreaux s’attaquent à son image et lui tond les cheveux. « Rien de ce que j’ai subi ici n’est comparable à l’horreur d’avoir été tondue. »
Après sa libération d’Evin, on a interdit à Zarah de poursuivre ses études universitaires en Iran. Robert Hillman, écrivain australien dont elle a fait la connaissance en 2003 en Iran et qui l’a accompagnée dans l’écriture de ce récit, l’a aidée à fuir en Australie, où elle vit actuellement. Zarah Ghahramani n’a aujourd’hui plus aucun avenir dans son pays.
Stéphanie Lebaz
Zarah Ghahramani, « Prisonnière des mollahs », Presses de la cité, Paris, 2008, 249 p.
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