La sidra de vayichlah
Le sujet principal de notre Sidra est la rencontre de Jacob avec son frère Esaü. Ce sont deux civilisations qui vont s’affronter. C’est pourquoi Jacob éprouve un véritable malaise qui se transforme en une véritable phobie. Après vingt ans d’absence, Jacob ne pensait pas se trouver dans la situation où il doit affronter son frère. Mais la peur, ou plutôt l’imminence d’un danger, peut être salutaire, car il met l’individu dans une situation où il est urgent de prendre des dispositions pour canaliser la peur et faire courageusement face au danger.
Jacob craint que la rancune de son frère soit encore vivace. Le comportement de Jacob, met en évidence la différence énorme qui sépare la civilisation incarnée par Jacob, de celle personnifiée par Esaü. Dans la culture mentale de Esaü, face à un danger imminent, ce qui vient à l’esprit est d’abord l’emploi de la violence. Il n’en est pas de même dans la conception du monde de Jacob. La guerre est un recours de dernière minute. Ce n’est pas la force brutale qui règle un conflit, mais l’esprit avec lequel on l’aborde. Jacob, naturellement implore la protection divine. Et il pria : « O Dieu de mon père Abraham et D. de mon père Isaac, L’Eternel qui m’a dit : retourne dans ton pays, dans ta patrie, et je te serai favorable. Je ne mérite pas tous les bienfaits et toute la vérité dont tu as usé envers ton serviteur. Autrefois j’ai traversé le jourdain avec mon seul bâton, aujourd’hui je dispose de deux camps. Sauve-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main de Esaü. »
La prière de Jacob sera exhaussée, parce qu’elle est sincère et émane du cœur d’un homme humble. On aurait pu s’attendre à un affrontement violent de la part d’un homme devenu très riche, disposant d’une défense considérable. Jacob est resté l’homme qui pense que l’esprit vient à bout de la violence. Il aurait pu penser un seul instant que sa richesse et la protection divine faisaient de lui un homme exceptionnel. Rien de tel, il échappe à cette tentation et demeure modeste malgré les témoignages d’affection divine. Mais, fait preuve d’une rare clairvoyance.
La rencontre avec Esaü est une leçon de communication digne d’un manuel de psychologie. Le texte de la Sidra ( XXXII, 5, 6 ) dit : « Il leur donna cet ordre : voici ce que vous direz à mon seigneur Esaü : Ainsi parle ton serviteur Jacob : j’ai séjourné avec Laban, et j’y suis resté jusqu’à présent. J’ai des bœufs, des ânes, des brebis, des serviteurs et des servantes, et j’envoie l’annoncer à mon seigneur, pour trouver grâce à tes yeux.
Ce message adressé à Esaü est volontairement ambigu. « Jacob craint-il encore la colère de son frère et redoute-t-il qu’après vingt ans, son courroux ne s’est pas encore apaisé ? Veut-il lui tendre une main fraternelle et lui proposer la paix ? Ou, au contraire, a-t-il l’intention de lui montrer que son sort s’est amélioré, qu’il est fort, afin de lui inspirer de la crainte à son égard ? De nombreuses appréciations et hypothèses ont été émises à ce sujet par les commentateurs, au cours des siècles. » En réalité Jacob veut signifier à son frère que le Jacob qu’il a connu a beaucoup changé. Le Jacob actuel, sur le plan de son caractère est resté pacifique et contre toute violence.
Cependant, si Esaü opte pour la violence, il trouvera en face de lui un adversaire redoutable. Jacob fait preuve d’humilité et de puissance. Cependant, connaissant bien son frère et son Ego hypertrophié, il use d’expressions qui flatte l’Ego : « Mon seigneur » « trouver grâce » Le Midrache, ( Béréchith Rabba LXXV, II) réprouve la conduite de Jacob et écrit : « Au moment où Jacob appelait Esaü « mon maître », le Saint béni soit-Il lui dit : Tu t’es abaissé toi-même en appelant huit fois Esaü « mon maître.Par ta vie, Je ferai de huit de ses descendants des rois qui règneront avant les tiens, ainsi qu’il écrit : « Voici les rois qui ont régné dans le pays d’Edom avant qu’un roi régnât sur les enfants d’Israël » (Genèse XXXVI, 31 )
Le prophète Michée dit dans le dernier verset de ses prophéties : La vérité à Jacob, la grâce à Abraham. La grâce divine, c’est que D. nous permet d’appréhender la vérité. Et l’approfondissement de cette vérité nous demande d’épuiser toutes les possibilités d’interprétations de l’exclamation de Jacob : « Je suis trop- petit – pouvoir dire sincèrement comme lui : je suis trop petit- cela aussi fait partie des bienfaits de l’Eternel.
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