par Ebrahim Nabavi
« Suite à la lettre envoyée au peuple américain par le président iranien, pour "engager un dialogue", le chroniqueur satirique iranien Ebrahim Nabavi demande à son président de se taire. » (Courrier International). Cet article m’avait échappé. Fort heureusement des fidèles internautes me l’ont signalé. Qu’ils en soient remerciés ici. (Menahem Macina).
Cher M. Ahmadinejad, président de la république d’Iran,
Si l’histoire ne gardait pas mémoire de tout, si la lettre que vous avez adressée au peuple américain [le 29 novembre] ne restait pas gravée dans l’histoire à tout jamais, peut-être n’aurais-je pas eu à réagir. Mais dans les circonstances actuelles je me dois de le faire. M. Ahmadinejad, arrêtez tout de suite ! Voulez-vous vraiment que le monde entier pense que l’Iran a un abruti pour président ? Je sais bien que, où que vous alliez, vous voulez être au centre de toutes les discussions et être bien en vue sur toutes les photos. Mais maintenant, assez joué. Si vous pensez que vous pouvez abuser les Américains, ou les Iraniens, ou n’importe qui d’autre avec votre rhétorique répétitive, vous vous trompez.
Tout d’abord, comment pouvez-vous envoyer une lettre au peuple américain au nom du peuple iranien ? Vous ne représentez pas plus le peuple iranien que Bush ne représente les Américains. A mon avis, chacune des deux nations a honte d’avoir un tel président. Je vous demande donc de ne pas parler en notre nom. Lors de votre élection truquée, vous n’avez pas eu plus de voix que le président Bush, et vous n’êtes pas tellement populaire, vous non plus. De quel droit vous considérez-vous comme le représentant des Iraniens tout en refusant à Bush la même légitimité ?
Dans votre lettre au peuple américain, vous dites que "les deux nations ont en commun la crainte de Dieu, l’amour de la vérité et la recherche de la justice". Dans votre bouche, ces mots sont pratiquement vides de sens […]
Vous évoquez aussi "la promotion des idéaux humains, tels que la compassion, l’empathie et le respect des droits de l’homme". Vous parlez sérieusement ? Vous affirmez défendre les idéaux humains ? Depuis quand les journalistes jouissent-ils des droits de l’homme, en Iran ? Comment pouvez-vous vous qualifier de défenseur des droits de l’homme quand votre faction politique a fermé plus de 150 journaux au cours des quatre dernières années ? Comment osez-vous parler d’idéaux humains dans un pays où les droits des femmes, des groupes ethniques, des minorités religieuses et du peuple, en général, sont constamment bafoués ?
Vous dites défendre les Palestiniens contre "les agressions constantes des sionistes". Or, si les Palestiniens sont sous pression, c’est parce qu’un groupe terroriste nommé Hezbollah profite du soutien financier et militaire de l’Iran pour semer le trouble dans la région. Le peuple palestinien sait que sa seule chance de survie est de vivre en paix avec les Israéliens. Si le peuple palestinien est sans abri, c’est parce que l’Iran, la Syrie et le Hezbollah ont parasité le processus de paix.
Pensez-vous que le peuple iranien cautionne les millions de dollars que vous dépensez pour aider le Hezbollah, le Hamas, les mouvements extrémistes chiites en Irak, le parti Baas syrien et tous les terroristes de la planète ? Vous dites aux Américains qu’ils ont manifesté leur mécontentement en votant contre le parti de George W. Bush lors des dernières élections. Mais que peuvent faire les Iraniens s’ils sont mécontents ? Le Conseil des gardiens de la Constitution [instance qui valide les candidatures aux élections] permet-il aux Iraniens d’élire au pouvoir leurs véritables représentants ? En Iran, les dissidents ont-ils le droit de s’exprimer ?
M. Ahmadinejad, avec tous les problèmes auxquels est confronté le pays, vous n’êtes pas en position de donner des conseils aux autres. En tant qu’écrivain iranien humilié de vous avoir pour président, je demande pardon aux Américains pour la lettre que vous leur avez adressée, et je vous demande de vous taire et de ne plus discréditer notre peuple avec de nouvelles lettres de ce genre.
http://www.debriefing.org/21864.html