La diplomatie française marche au pas.
Kouchner, vous n'êtes pas le bienvenu, sur le blog d'Alain Legaret
Et Jean-Paul de Belmont enfonce le clou de belle manière
Vertige de la Paix
Aucun doute là-dessus : Nicolas Sarkozy est le chef dEtat le plus actif et le plus volontariste que la Ve République ait connu. Sa détermination à avancer sur tous les fronts fait ladmiration ou lirritation de ses partenaires.
Ses prédécesseurs étaient plus calculateurs, plus lents, plus cyniques aussi.
Déjà, au poste de Ministre de lIntérieur, il sétait attelé à la mise en place du CFCM, Le Conseil Français du Culte Musulman, avec lefficacité et la rapidité dun bulldozer. En six mois, il y était parvenu là où tous les autres, dont Michel Rocard, sétaient cassé les dents.
Plus tard, en charge de la fonction suprême, il avait réussi, à la force du poignet, à imposer à ses partenaires européens ladoption du Traité de Lisbonne censé régler limpasse institutionnelle dans laquelle se trouvait lEurope.
Dans sa précipitation, Nicolas Sarkozy provoque parfois des « dégâts collatéraux » comme, par exemple, la légitimation au sein du CFCM de lUOIF, lUnion des Organisations Islamiques de France, émanation fondamentaliste des Frères Musulmans.
Mais peu importe ce côté Gribouille, ce qui compte à ses yeux, cest laction, faire bouger les lignes, faire en sorte que ça se sache et que ça se voit.
On aurait pu croire, lors de sa campagne électorale, que sa politique étrangère serait fondamentalement différente de celle de son prédécesseur, Jacques Chirac, dont le tropisme arabe fut le plus important de lHistoire de France (1).
On nous annonçait une rupture totale en matière de diplomatie française (2).
Lors de son premier voyage officiel en Israël, en juin 2008, il assura : « Le peuple français s'est rangé depuis votre naissance à votre côté. Je suis venu vous dire que le peuple français sera toujours à votre côté quand l'existence de votre Etat sera menacé ».
Bref, on était en pleine idylle franco-israélienne, à des années-lumière du fameux « What do you want ? Me to go back to my plane ? » de Chirac, en 1996 dans les rues de Jérusalem-Est.
Lénergie de Sarkozy, à lheure où sont écrites ces lignes, na pas varié. En revanche, cest son originalité qui sest considérablement émoussée en quelques mois. Il nhésitait pas, au début de son mandat, à prendre lopinion bien-pensante à rebrousse-poil, à choquer la presse, les organisations droitsdelhommistes, les « faiseurs dopinion ».
Progressivement, le temps a eu raison de cette touch si spéciale. Lors de la libération dIngrid Betancourt, il a été le premier à proposer limmunité aux repentis des FARC, en tenant un discours empreint de tiers-mondisme, offrant à danciens terroristes des avantages que certains travailleurs français auraient bien aimé obtenir (3).
La révolte lycéenne de cet automne la fait renoncer à une réforme de lEducation Nationale provisoirement est-il dit - avec une rapidité déconcertante, cédant pour la première fois de son mandat à la pression de la rue.
Aujourdhui, cest la Realpolitik qui sinvite sur le perron de lElysée et Sarkozy lui tend une main chaleureuse. On verra bien ce que donnera son voyage au Proche-Orient prévu pour le 5 janvier.
Mais le président français a désormais dans ses bagages la rhétorique archi-usée de « lusage disproportionné de la force » et de « la légitimité du Hamas librement élu par son peuple ».
Cela augure mal dune influence française enfin positive. La diplomatie française elle nest malheureusement pas la seule a souffert depuis des décennies dune absence totale de compréhension de la problématique israélo-arabe.
La création dun Etat palestinien est le dernier souci des
Palestiniens ! Ce peuple de bric et de broc souffre dune pathologie contre laquelle aucun remède na vu le jour : le vertige de la Paix.
La Paix signifie la fin de lessence même qui a fait exister artificiellement ce « peuple » depuis 1967. Cest à cette date que Gamal Abdal Nasser a sorti de la naphtaline une OLP jusque-là inconnue pour la substituer à son rêve de panarabisme englouti dans les sables du Sinaï lors de la Guerre des Six Jours.
Certes, aujourdhui, les principaux dirigeants de lAutorité palestinienne ont choisi le chemin du pragmatisme pour parvenir à la création dun Etat palestinien. Leur bonne volonté et leur sincérité ne font aucun doute.
Mais que peuvent-ils face à la vacuité essentielle de lidéal palestinien ?
Comment bâtir une nation avec un « peuple » protéiforme qui na que la haine de lAutre pour le cimenter ? Un « peuple » qui, à chaque fois que loccasion lui a été présentée, a eu le vertige de la Paix.
En 1947, lors du plan de partage : non !
En 1967, à Khartoum : non, 3 fois non !
En 1970 quand Hussein de Jordanie propose à Arafat de devenir son Premier ministre dune Jordanie palestinienne : non ! suivi du massacre de Septembre noir.
En 2000, à Camp David, non ! quand Arafat, pris lui aussi du vertige de la Paix à laquelle il était acculé, sort de son chapeau lexigence inacceptable dun retour massif des « réfugiés » palestiniens à lintérieur des frontières dIsraël.
Non ! Toujours non ! Le même « non ! » que nimporte qui hurlerait au bord dun précipice avant de sy jeter.
Mais le reste du monde, avec désormais Sarkozy en fer de lance, a lobsession de la Paix là où les Palestiniens ont le vertige.
Il y a pourtant une solution. Ce nest pas parce quun mensonge dure depuis 42 ans quil faut continuer à le proférer. Ces Arabes de Palestine doivent commencer leur propre psychanalyse, se regarder sans se mentir, réaliser à quel point ils ont été manipulés par des idéologues depuis si longtemps.
Cest le seul moyen pour eux denvisager un avenir serein, en se débarrassant de cette identité factice tournée vers la guerre et la haine. Encore faut-il que les médecins qui se penchent sur leur cas ne les encouragent pas dans leur délire, cessent de sublimer la « justesse de leur cause », « la splendeur de leur identité ».
Cest la seule porte de sortie à ce conflit.
Elle peut paraître frustrante à ces gens qui combattent depuis si longtemps, mais cest la seule, même au sein dun Etat quils nommeront comme bon leur semblera : Palestine par exemple.
Pourquoi pas ?
Jean-Paul de Belmont © Primo, 4 janvier 2009
1) Chirac dArabie dEric Aeschimann et Christophe Boltanski. Editions Grasset
2) Interview de Claude Goasguen sur Primo (I et II)
3) Des FARC au FRIC, de Jean-Michel Peretz