LE MONDE | 10.01.09 | 13h37
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/01/10/tensions-entre-le-fatah-et-le-hamas-en-cisjordanie_1140150_3218.html#ens_id=1106055
A Ramallah, le "jour de la colère" décrété par le Hamas a dégénéré en un jour de la discorde. Vendredi 9 janvier, au lieu de dénoncer d'une seule voix les ravages de l'offensive israélienne à Gaza, les militants des deux mouvements ont fait une nouvelle fois étalage de leur division. Sous les yeux de la police, au mieux passive et souvent complice, les manifestants du Fatah se sont même livrés à une ratonnade en règle de leurs frères ennemis islamistes. Un déferlement de violence rarement vu dans les rues de Ramallah.
En fin de matinée, à l'issue de la prière, les deux cortèges se sont ébranlés simultanément. Celui du Fatah, parti de la Mouqata'a, quartier général de l'Autorité palestinienne, était inhabituellement massif. En ce 9 janvier, terme théorique du mandat du président Mahmoud Abbas, son mouvement avait à coeur de rassembler large. Au moyen d'un artifice juridique, le successeur de Yasser Arafat a en effet décidé de se maintenir au pouvoir un an de plus, contre l'avis du Hamas, qui menace de ne plus reconnaître sa légitimité. Décidé à mener une démonstration de force, le Fatah avait donc recruté des troupes d'un genre particulier. Non pas de simples militants, mais des jeunes, membres pour la plupart des services de sécurité, habillé en civil pour l'occasion et affublés d'une casquette et d'une écharpe à damier noir et blanc. En face, le défilé islamiste, parti de la mosquée de Ramallah, était plus hétéroclite, avec des jeunes mais aussi des femmes et des pères de famille, agitant les couleurs vertes du Hamas.
Arrivés à la hauteur du Manara, la place centrale de Ramallah, les deux mouvements se sont d'abord toisés, puis, très vite, les nervis du Fatah sont passés à l'action. Les drapeaux qu'on leur avait distribués se sont transformés en matraques, et les coups ont commencé à pleuvoir sur les militants islamistes. Bousculé au milieu de la mêlée, le visage rouge de honte, un vieil homme en turban s'époumonait : "Mais arrêtez imbéciles, arrêtez donc, vous ne comprenez pas que c'est exactement ce qu'Israël veut !"
Des policiers en uniforme, formés aux techniques de contrôle des foules par la mission d'assistance de l'Union européenne, ont extrait les principaux meneurs du cortège islamiste, tandis que leurs collègues femmes appréhendaient les manifestantes les plus bruyantes. Un homme dont le seul tort était de brandir un portrait de Hugo Chavez, le président du Venezuela, nouvelle idole de la rue arabe depuis qu'il a expulsé l'ambassadeur d'Israël à Caracas, s'est retrouvé le visage en sang.
"C'est la haine qui parle, la haine à l'état brut, explique Hossam Ezzedine, un journaliste palestinien. L'offensive israélienne à Gaza aurait dû nous ramener sur le chemin de l'unité. Au contraire, cette attaque creuse la division née du coup de force du Hamas en juin 2007." Dans l'ensemble de la Cisjordanie, la répression des manifestations par la police et le Fatah a fait treize blessés. Benjamin Barthe