A Gaza, les secouristes à la recherche de corps ne connaissent pas de répit
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Les armes se sont tues à Gaza mais les secouristes palestiniens ne connaissent pas de répit, récupérant des dizaines de morts sous les décombres depuis dimanche.
"On arrête pas depuis 6 heures du matin", explique Abed Charafi, secouriste depuis 15 ans. Dans son ambulance blanche barrée de bandes rouges, il se rend avec son collègue Bassan Abou Ratahya, 46 ans, à Beit Lahya au nord de Gaza ville.
"On a extrait 15 corps d'enfants et de femmes sous les décombres des maisons", raconte-t-il. "Ils étaient dans un tel état de décomposition qu'on ne reconnaissait pas un garçon d'une fille. Certains nous attendaient depuis 15 jours", poursuit cet ambulancier de 40 ans, qui sous les bombes et les balles israéliennes assure n'avoir jamais hésité à aller chercher un blessé ou un mort.
"Les Israéliens m'ont tiré dessus à trois reprises alors que je me rendais auprès de blessés. Nous avons trop vu de choses. Et maintenant, on récupère les corps qu'on ne nous laissait pas approcher. Il y en a tellement", ajoute-t-il avec amertume.
En quelques heures dimanche, les secouristes de la bande de Gaza ont retiré 95 corps des décombres de maisons détruites au cours de l'offensive israélienne. La plupart des cadavres ont été extraits des ruines des bombardements à Jabaliya et Beit Lahya, dans le nord de la bande de Gaza, ainsi que dans le quartier de Zeitoun de Gaza-ville.
En 22 jours, l'opération déclenchée par Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a fait au moins 1.300 morts palestiniens, dont 410 enfants et 108 femmes, et plus de 5.300 blessés, selon les services d'urgence de Gaza.
Le long de la route vers Beit Lahya, la vie reprend lentement ses droits. Sur des étalages sauvages, des vendeurs proposent de l'huile et du carburant. Certaines boutiques ont relevé leurs rideaux métalliques et un coiffeur accueille même son premier client depuis l'instauration du cessez-le-feu.
Dans l'ambulance, la radio crépite des instructions inaudibles. Abed ordonne à Bassan d'arrêter le véhicule devant un garage. "On va la laisser là, car la route est impraticable", explique-t-il.
Les deux hommes empruntent un chemin goudronné détruit par les engins israéliens. De toutes parts, des hommes, des femmes et des enfants tentent de récupérer des affaires dans les ruines des maisons détruites. A dos d'âne, sur des charrettes ou simplement à pied, ils emportent bagages, matelas et meubles encore intacts.
"On n'a plus de maisons. Je n'ai plus rien", se lamente Najet Manah, une mère de trois enfants, qui tient dans les mains une boîte de riz retrouvée dans les débris de sa maison. Sa fille Samira, 20 ans, affiche un sourire. "J'ai réussi à sauver une partie de mes cours", dit-elle.
Najdi Salam, 53 ans, fouille sa maison qui est sans dessus-dessous. "Ils (les soldats israéliens, ndlr) ont tout détruit et tout ça pour rien. Ils ont rasé des maisons et les ont fait disparaître sous terre avec leurs bulldozers. On ne retrouvera pas tous les Palestiniens morts", s'indigne-t-il.
Du haut d'une petite butte, Abed observe un spectacle de désolation. D'innombrables maisons, dans ce quartier qui accueillait il y a encore peu près de 50.000 habitants, ne sont plus qu'un amas de pierres et de fer tordu.
Un homme l'interpelle et lui indique des décombres. Abed le suit et, à travers un tablier de béton en équilibre, penche la tête et renifle. "Il a des corps ici. Je vais le signaler", déclare-t-il. Résigné, il ajoute: "On ne va pas tous les retrouver malheureusement".
Abed et Bassan repartent. Ils savent que le travail ne va pas manquer.