En annonçant, vendredi 31 janvier, qu'il mettait fin à tous les accords passés avec la Corée du Sud, dont un pacte de non-agression, le régime de Pyongyang a fait monter d'un cran la tension dans la péninsule. Si une part de gesticulation destinée à attirer l'attention de la nouvelle administration américaine n'est pas à exclure, ce durcissement n'en accroît pas moins les risques d'accrochages le long de la zone démilitarisée qui sépare les deux pays.
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2009/01/31/regain-de-tension-diplomatique-entre-les-deux-corees_1149018_3216.html#ens_id=1122450
Dans un communiqué diffusé par l'agence de presse KCNA, la Commission pour la réunification pacifique de la Corée, organisme nord-coréen chargé des relations avec le Sud, a annoncé que les "relations intercoréennes se sont dégradées au point d'être au seuil de l'affrontement acier contre acier".
La zone maritime à l'ouest de la péninsule, à hauteur du 38e parallèle, est particulièrement sensible : Pyongyang n'a jamais reconnu la ligne de démarcation établie unilatéralement par les forces des Nations unies, à la suite de l'armistice mettant fin à la guerre de Corée (1950-1953). En juin 1999, puis à la même époque en 2002, des affrontements avaient eu lieu entre les marines des deux pays à propos d'un différend entre pêcheurs de crabes qui avait entraîné des morts des deux côtés.
Un projet d'accord sur la ligne de démarcation maritime et sur le développement en commun de la région côtière figurait dans le communiqué à l'issue du sommet d'octobre 2007 entre le président sudiste Roh Moo-hyun et le dirigeant nordiste Kim Jong-il.
A la suite de l'arrivée au pouvoir, en février 2008, du président conservateur Lee Myung-bak, Séoul a mis fin à la politique conciliante menée au cours des dix années précédentes par des dirigeants de centre-gauche, et les relations entre les deux Corées se sont considérablement dégradées.
La détérioration a d'abord touché l'économie : arrêt des voyages touristiques au mont Kumgang (en Corée du Nord) et restrictions des échanges avec la zone d'économie spéciale de Kaesong (également au Nord) où ont investi des industriels du Sud. Mais aussi, désormais, sur le plan politique, avec l'annulation annoncée des accords signés lors des deux sommets intercoréens (en 2000 et en 2007) ainsi que du pacte de réconciliation et de non-agression de décembre 1991.
Pyongyang pourrait vouloir attirer l'attention de Washington alors que, pour l'instant, la nouvelle administration a d'autres priorités que la péninsule. Le régime réagit aussi, semble-t-il, à la nomination d'un nouveau ministre de l'unification à Séoul : Hyun In-taek.
Professeur de sciences politiques, M. Hyun est l'artisan de la nouvelle politique intransigeante vis-à-vis du Nord : une nomination ressentie à Pyongyang comme une "provocation", signifiant que Séoul n'entend pas infléchir sa position. Philippe Pons