Le cauchemar des Juifs turcs
03/02/09
- - Thème: Antisémitisme
« A bas Israël ! Nous ne voulons pas de vous dans la République turque. » L'inscription en lettres rouges barre le mur d'un immeuble, près de la grande synagogue Neve Shalom d'Istanbul. Un immense drapeau palestinien a été déployé par les habitants au-dessus de la rue, bouclée et protégée par un car de police. Depuis trois semaines, les autorités turques ont renforcé la sécurité autour du rabbinat et des fondations appartenant à la communauté juive, qui compte environ 25 000 personnes, principalement regroupées à Istanbul, rapporte le Monde du mardi 3 février 2009.
Tous confient leur inquiétude à mots couverts et disent craindre une vague d'antisémitisme depuis les opérations israéliennes à Gaza, en janvier. Lettres de menaces et insultes antisémites ont fleuri. Le consulat d'Israël à Istanbul, assiégé par les manifestants, a reçu des milliers de courriels. La synagogue d'Izmir et celle de Kadiköy, à Istanbul, ont été barbouillées de graffitis. « Dans la communauté, beaucoup songent maintenant à quitter la Turquie », affirme Kerem, jeune patron stambouliote. « Mon père, né dans les années 1940, dit que c'est la pire période qu'il ait vécue. L'antisémitisme n'est pas nouveau, mais il devient plus populaire à cause d'Erdogan. »
Le premier ministre et chef du parti islamo-conservateur est accusé d'avoir attisé une colère déjà vive au sein de la société turque, majoritairement musulmane. « Les manifestations contre la politique israélienne ont rapidement pris un ton antisémite et le premier ministre a encouragé tout cela », acquiesce Sami Kohen, éditorialiste au quotidien « Milliyet ». En effet, Recep Tayyip Erdogan, dans ses discours dénonçant les « crimes de guerre israéliens »", n'a pas pris la peine de faire la différence entre « juifs » et « Israéliens ».
Le président de la communauté juive turque, Silvio Ovadia, a réclamé une réponse ferme des autorités contre les dérapages antisémites. Le cas d'une association locale à Osmangazi (ouest) interdisant ses locaux aux « juifs et Arméniens » (« les chiens sont autorisés ») a particulièrement ému la communauté. Des appels au boycottage contre « les entreprises juives » ont également été lancés par des associations de consommateurs.
« C'est difficile de subir cette hostilité, surtout pour les jeunes », soupire Ayse, employée d'une institution juive d'Istanbul. « Mon fils a un enfant de 4 ans et il se pose des questions sur son avenir. »
Une inquiétude exprimée à son tour par la psychologue Leyla Navaro dans le quotidien libéral Radikal. « On me tient pour responsable de la guerre au Moyen-Orient parce qu'il est écrit « judaïsme » dans la case religion de ma carte d'identité », écrit-elle dans une tribune libre. « Suis-je toujours redevable, matériellement et moralement, du fait que le sultan ait accueilli mes ancêtres ? Suis-je toujours considérée comme une invitée sur ces terres où je suis née et où j'ai grandi ? (...) Aujourd'hui, je suis triste, préoccupée. J'ai peur. »
Photo (posters : "N'achetez pas ici, ce magasin appartient à un juif."; "L'entrée est interdite aux juifs et aux arméniens mais elle est autorisée aux chiens.") : D.R.
En Turquie, la communauté juive craint une poussée d'antisémitisme (le Monde)
crif