Begin, comme vous nous manquez !
Shraga Blum
jeudi 22 février 2007 - 13:02
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Aujourd’hui, cela fera 15 ans que Menah’em Begin nous a quittés. Comme chaque année, une cérémonie aura lieu au cimetière du Mont des Oliviers où il est enterré.
Hier soir, la télévision israélienne diffusait une émission spéciale depuis les locaux du
Centre de l’Héritage Menahem Begin lors de laquelle les séquences d’archives émouvantes se succédaient aux interventions de personnalités ayant côtoyé cet homme hors du commun. Impossible de ne pas frissonner en entendant les extraits des discours de ce tribun.
Le fait que cette année, tous les médias marquent tout particulièrement cette commémoration, montre le manque de ce genre d’hommes politiques dans la situation que vit actuellement le pays. Le directeur du Centre a d’ailleurs indiqué que jamais il n’y a eu autant de visiteurs dans ce lieu qui retrace la vie et l’action de Begin. Et parmi les visiteurs, un homme extrêmement ému : un Vietnamien, aujourd’hui marié à une israélienne et père d’une petite fille, et qui parle dans un hébreu parfait de Begin comme de son sauveur. En effet, la première décision qu’avait prise Menahem Begin une fois devenu Premier ministre, fut d’accueillir en Israël une soixantaine de « Boat people » vietnamiens, abandonnés en mer, et qu’aucun autre pays n’avait voulu accepter.
Le mot qui est revenu le plus dans la bouche des intervenants a sans conteste été « Manhigout », que l’on pourrait traduire par « autorité », mais dans son acceptation positive : ce sentiment impalpable qui passe entre une population et un dirigeant, et qui fait que cette population ressent qu’il y a un « berger à la tête du troupeau », avec lequel elle se sent en phase.
Menahem Begin fait partie des hommes politiques qui ont « fait l’Histoire ». Que l’on soit d’accord ou non avec son idéologie, avec toutes les décisions politiques qu’il a prises, on ne peut lui enlever ses qualités fondamentales qui sont devenues hélas de plus en plus rares, voire inexistantes.
Au niveau idéologique, rares ont été les hommes politiques qui ont fait de la défense du peuple juif leur devise. Marqué par son passé, Begin a traduit en paroles et en actes la priorité donnée au peuple juif, quelles qu’en fussent les conséquences. Quel dirigeant aujourd’hui serait capable comme lui de parler aux grands de ce monde comme il le faisait, sans complexes, juif fier et debout ? Alors que de nos jours, « on ne veut pas froisser les Américains » ou « on veut associer les Européens », Begin n’hésitait pas à donner la leçon à ceux qui considéraient qu’Israël était encore le « petit juif à qui on peut dicter ce qu’il doit faire ». Cette fierté juive décomplexée qu’il arborait a complètement disparu du comportement politique israélien, que ce soit face à l’Occident ou aux Arabes. S’il vivait aujourd’hui, il aurait su quoi dire à Jacques Chirac ou à Jimmy Carter, et aurait sûrement rendu son prix Nobel de façon fracassante. Pour le Pr. Aryeh Naor, qui fut son proche conseiller, Menahem Begin a « érigé en doctrine le fait de ne pas permettre aux ennemis d’Israël de développer les moyens de le détruire ». La destruction de la centrale atomique Osirak, condamnée dans le monde entier, fut l’application de cette politique qui préférait combattre le mal à la racine plutôt que de louvoyer jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard.
Menahem Begin mérite les « circonstances atténuantes » même pour les décisions douloureuses qu’il a prises, notamment celle de donner le Sinaï aux Egyptiens et l’évacuation de Yamit. Comme l’a dit avec justesse Dan Méridor « tout le monde savait que ses décisions étaient motivées par des intérêts nationaux mais en aucun cas par des intérêts personnels ». Il faisait partie de cette trempe d’hommes d’Etat pour qui leur propre personne ne comptait pas face aux intérêts de la collectivité.
Car c’est surtout sur le plan personnel que Menahem Begin a montré l’exemple de ce que doit être un dirigeant d’Israël. Utilisant un langage propre et élevé, Begin s’est toujours distingué par sa tenue sobre, sa modestie, et son désintéressement personnel. Le débat politique parfois rude n’empêchait nullement son respect de ses interlocuteurs, y compris ses détracteurs.
La « corruption » - même si le niveau zéro n’existe jamais dans l’arène du pouvoir – était quasi absente. La haute idée de la politique que se faisait Menahem Begin se reflétait jusque dans sa vie privée. Alors qu’aujourd’hui, on se gausse sur la mode des « Volvo » et des multiples avantages dont jouissent les élus du peuple, parfois de manière insolente, Menahem Begin, devenu Premier ministre, avait tenu à continuer à habiter dans son modeste appartement. Homme extrêmement sensible, il a amené jusque dans sa tombe - après s’être retiré de la vie publique pendant des années - sa douleur des conséquences de la première guerre du Liban. Tout en étant convaincu qu’elle était cruciale pour éviter la création d’un « Etat palestinien » au Liban, il ne s’est jamais remis de la haine que lui manifesté la gauche israélienne, et du prix que cette guerre à coûté en vies humaines, car chaque soldat était comme l’un de ses fils.
Il est certain qu’Israël ne serait pas dans la situation actuelle, sur le plan politique, sécuritaire, social ou éthique, si Menahem Begin était au pouvoir aujourd’hui. Il n’y aurait eu ni accords d’Oslo, avec leurs conséquences désatreuses, ni évacuation du Goush Katif (préparée au moyen de procédés malhonnêtes). Les normes et les moeurs politiques seraient très différents. Et dire que le précédent et l’actuel premier ministre ont grandi sous ses ailes ! Quelle différence ! Begin avait su donner de la noblesse à la politique.
Vraiment, vous nous manquez beaucoup, Begin !
arouts7