Les actes antisémites ont augmenté en 2006
26/02/07
Le Service de Protection de la Communauté Juive vient de rendre publics les chiffres des actes antisémites commis en France en 2006. Les tendances observées l’année dernière ne s'inscrivent pas dans la baisse qui avait marqué l'année 2005. Plus que les menaces, ce sont les actions et les violences recensées l'année passée qui apparaissent majoritairement dans les actes commis contre les victimes de l'antisémitisme. L'année 2006 a été celle de l'assassinat d'Ilan Halimi, violence paroxystique en elle-même et génératrice de répercussions. Elle a aussi été celle d'une guerre entre Israël et le Hezbollah et l'on connaît l'effet immédiat des crises du Proche-Orient sur l'expression de l'antisémitisme. Hormis ces deux temps difficiles, qu'en a-t-il été du reste de l'année ?
L'intégralité de l'analyse est accessible sur le lien suivant: http://www.crif.org/uploads/articles/fichiers/bilan_analyse_actes_antisemites_20 06.pdf
Bilan et analyse des actes antisémites en 2006
Le Service de Protection de la Communauté Juive opère un recensement des actes antisémites
sur la base des appels téléphonique passés sur le numéro vert, complétée par un échange
d’informations avec le Ministère de l’Intérieur. Le SPCJ a enregistré en 2006 :
- 213 actions (contre 134 en 2005) soit une hausse de 40%
- 158 menaces (contre 148 en 2005) soit une hausse de7%
- 371 actes (contre 300 en 2005) soit une hausse globale de 24 %
Dans ce recensement, la forte augmentation des violences est relativement compensée par une
certaine stabilité des menaces qui permet de maintenir le taux global d’augmentation à 24%.
Nous ne pouvons nous limiter à ce constat car un tag antisémite et une agression physique ne
sauraient être tenus pour équivalents en termes de gravité. Il faut aller plus avant dans le détail des chiffres pour dégager une grille de lecture.
Le début de l’année 2006 a été dramatiquement marqué par l’assassinat d’Ilan Halimi.
Mois après mois, la courbe annuelle a fait apparaître une hausse très nette des violences
durant les mois de février et mars que nous interprétons comme des répercussions par sorte de
mimétisme de cette affaire. Les semaines de guerre entre Israël et le Hezbollah ont provoqué
pendant l’été une augmentation des menaces qui s’est poursuivie pour se fondre dans une
augmentation générale des actes en septembre et en octobre, mois de fêtes pendant lesquels la
communauté juive est plus visible et le cas échéant ciblée. La tension n’est redescendue qu’en décembre, comme c’est d’ailleurs le cas chaque année. Les actes antisémites sont commis
parfois avec une réelle détermination, parfois par simple opportunité.
On observe donc que la courbe est aléatoire et que des mois sans actualité particulière peuvent rester chargés en termes de violence antisémite et dénotent ainsi d’une sorte de « bruit de fond » constant.
L’aspect essentiel et le plus inquiétant qui se dégage des chiffres concerne ceux des actes,
actions et menaces, contre les personnes qui sont à l’évidence les cibles premières de
l’antisémitisme. On observe une augmentation de 45 % des agressions physiques qui passent entre 2005 et 2006 de 77 à 112 et une hausse de 71 % des insultes qui passent quant à elles de 48 à 82.
Cette tendance s’inscrit d’ailleurs dans celle de la hausse des violences contre les personnes,
évoquée à propos des statistiques générales de la délinquance. La liste des agressions
physiques indique une importante quantité de faits violents à l’encontre de mineurs ou de
jeunes. Le mobile antisémite ne fait aucun doute dans la quasi-totalité des cas. Lors de
certaines agressions, il aggrave le mobile crapuleux. Les violences physiques occasionnent
généralement de nombreux jours d’ITT, parfois jusqu’à 30. Des agressions antisémites sont
aussi commises comme telles contre des personnes qui ne sont pas juives, simplement parce
qu’on a pu supposer qu’elles le sont. Les insultes sont souvent accompagnées de références à l’extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. D’autres propos dénotent des
tensions qui se manifestent sur le plan des identités. Il apparaît enfin que les auteurs des
violences agissant pour des motivations mal définies sont de plus en plus nombreux.
Depuis la résurgence des actes antisémites en France, concomitante au déclenchement de la
seconde Intifada en octobre 2000, il était apparu à l’examen des courbes annuelles de ces
actes que leur survenance était étroitement liée à l’actualité du Proche-Orient. En 2004,
le constat avait changé. Les actes antisémites - 974 dans le recensement du Ministère de
l’Intérieur, 592 dans celui du SPCJ - étaient survenus de manière aléatoire et apparemment déconnectée du contexte international. Nous avions alors observé que, passé d’une apparence conjoncturelle, l’antisémitisme s’ancrait de manière structurelle, observation que nous avons maintenue en 2005. En 2006, ces deux analyses semblent se rejoindre dans une situation qui puise à la fois dans des causes structurelles et
conjoncturelles, alors que les chiffres restent toutefois inférieurs à ceux de 2004. Le dernier
trimestre de l’année 2006 indique une baisse de 21% des actes. Cette tendance à la baisse s’est maintenue en janvier 2007. Les aléas qui pèsent sur l’actualité rendent l’avenir incertain et la vigilance doit demeurer entière.
Elisabeth Cohen-Tannoudji
Chargée de mission au CRIF
http://www.crif.org/?page=accueil/main&gids=nat