Le centre n’est pas seulement le juste milieu, c’est un lieu privilégié dans l’ordre politique, spécialement lorsque droite et gauche s’affrontent sans pouvoir se départager. […] Il y a donc une première fonction du centre, qui est de permettre la coexistence des factions rivales lorsque leur polarisation est devenue insupportable. […] Les tenants du juste milieu aiment à se voir en arbitres de la vérité politique. De ce que la France entend être gouvernée au centre, ils déduisent qu’elle ne peut être gouvernée que par des centristes. » écrit François Bourricaud dans l’Histoire des droites qu’a éditée Jean-François Sirinelli.
La percée de François Bayrou dans les sondages est spectaculaire. Son parti était tenu pour moribond au lendemain de la création, par Jacques Chirac, de l’UMP, en 2002. Il est passé de 8% des intentions de vote en décembre à 18,5 % ce week-end, et talonne désormais les deux prétendants principaux du second tour.
François Bayrou fait, depuis plusieurs années déjà, le diagnostique selon lequel la France serait entrée dans la zone de turbulence qui est celle des crises de régime. La fuite en avant dans l’endettement public aurait permis de prolonger des politiques qui avaient pourtant échoué à résoudre les grands problèmes du pays. Ces échecs à répétition dont les gouvernements de droite comme de gauche porteraint la responsabilité, ont provoqué un divorce entre la population et sa classe dirigeante. Le décrochage des classes populaires, précarisées et appauvries, aurait favorisé la montée de l’abstention et du vote protestataire. Mais les candidats qui, à droite comme à gauche, partageaient cette même analyse, sont précisément ceux qui l’ont emporté dans la course à la désignation dans leurs camps respectifs. Reste-t-il malgré tout un espace pour François Bayrou ? La « rupture avec le système » qu’incarnait à sa manière Jean-Marie Le Pen peut-elle être portée, cette fois-ci par un candidat du centre ? Peut-on être « dur » et « rebelle » lorsqu’on a débuté sa carrière en succédant à Pierre Méhaignerie à la tête du CDS ? François Bayrou a-t-il l’envergure suffisante pour porter un projet de refonte politique global ? Bref, est-il plutôt notre Mendés France ou plutôt notre Jean Lecanuet ?
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