L'un des aspects les plus étonnants de la guerre qui oppose les démocraties libérales aux fondamentalistes musulmans est le contraste dans l'exposition médiatique des belligérants, et notamment de leur situation matérielle comme immatérielle. Un phénomène dangereux qu'il est important de décrypter.
Le dramaturge grec Eschyle, précurseur des tragédies antiques, vétéran de Marathon et de Salamine, a dit voici 2500 ans que la vérité est la première victime de la guerre. Cet adage a été repris à différentes époques, avec pour corollaire le fait que la couverture médiatique des conflits armés a toujours prêté le flanc à la critique. Entre le besoin de restreindre l'information pour préserver la sécurité opérationnelle et celui de l'orienter pour obtenir l'adhésion du public, ou plus crûment entre la censure et la propagande, les « faits » publiés ne donnent souvent qu'une vision biaisée et partielle de la réalité.
Cette instrumentalisation de l'information publique était déjà un fait marquant dans les conflits symétriques tels que la Seconde guerre mondiale : les observateurs neutres devaient procéder à une analyse comparée et critique des communiqués émis par les belligérants pour se faire une idée cohérente de la situation. Mais cette instrumentalisation est encore plus marquée dans les conflits asymétriques de notre ère, lorsque des armées nationales affrontent des acteurs non étatiques aux structures, capacités et méthodes très diverses. Et le contraste dans l'exposition médiatique de ces belligérants est devenu le facteur principal de distorsion.
L'exemple actuel des opérations de contre-insurrection en Irak et en Afghanistan le montre clairement. D'un côté, les nations occidentales en général et les Etats-Unis en particulier sont surexposés. Une agence de presse comme AP fait le décompte quotidien des pertes militaires en Irak, alors que d'autres organes médiatiques compilent noms, prénoms, origines et photos des soldats tombés en Irak[1] comme en Afghanistan[2], avec la cause de leur décès. Les dépenses liées aux opérations en cours sont décortiquées et critiquées, les controverses politiques ou doctrinales sont relayées et amplifiées, les opinions du public sont sondées en permanence.
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