la place de la femme dans la halakha ou loi

La place de la femme dans la Halakha
Teshuva vis-à-vis de nos mères, de nos soeurs, de nos épouses, de nos filles.
Le Judaïsme orthodoxe – et sa direction spirituelle – ont un grand effort d’aggiornamento à accomplir. Je veux parler du statut et du rôle de la femme juive religieuse moderne dans le cadre de la communauté. Nos sœurs, nos épouses, nos filles ont su, à la force du poignet – hélas, sans notre aide et quand ce n’est pas contre notre volonté ! conquérir la place qui leur revient dans la société.

Elles sont devenues des responsables politiques de haut vol, des phares de la société civile : professeurs d’université, chercheurs de haut niveau, médecins et chirurgiens de rang international, avocates de grand talent… Même dans les conseils de la communauté – et je m’en réjouis – elles se sont imposées ; depuis le collège qui a élu le Grand Rabbin ashkénaze d’Israël jusqu’au Consistoire de Paris. La plus grande communauté juive organisée du monde où les quatre femmes candidates ont été élues à la 1ère 2ème 3ème et 5ème place du Conseil, bien mieux placées par le corps électoral que leurs collègues masculins. Après avoir entendu de la bouche des plus hautes autorités rabbiniques que leur candidature était irrecevable, elles ont été accueillies après leur élection par les propos les plus chaleureux formulées par le Grand Rabbin de France. Quels furent leurs sentiments profonds à ce moment-là ?

Mais à la synagogue, quelle place au sens propre comme au sens figuré leur réserve-t-on ? Les grands rabbins sont-ils une fois dans leur vie, montés dans la ezrat nashim, la mezzanine ou sont confinées nos sœurs ? Ont-ils prié au Kotel, au Mur Occidental, dernier vestige de notre Temple, à côté de la "réserve" dévolue aux femmes, qui n’entendent rien, ne voient rien, ne participent en rien à l’office ? Des photos anciennes du temps du Rav Kook, premier Grand Rabbin ashkénaze de Palestine, montrent les fidèles, hommes et femmes, les uns à côté des autres, face au Mur. Sommes-nous devenus plus religieux que nos pères ou nos grands-pères ? J’ai eu dans ma double carrière rabbinique et universitaire une attitude, je le confesse, proche de la schizophrénie. En tant que directeur du plus grand département d’études juives d’Europe occidentale, j’ai aidé, autant que faire se peut, D… m’en est témoin, la carrière de mes collègues femmes. En revanche, en tant que Grand Rabbin de France et Président du Conseil d’Administration de l’Ecole Rabbinique de France j’ai, hélas ! échoué aucune de mes propositions en vue d’un changement progressif de nos façons de penser et de réagir n’a été suivie d’effet… Il y a quelques mois, j’ai été consulté par une grande communauté parisienne orthodoxe sur le projet de création d’une grande synagogue parisienne. J’ai demandé récemment à l’architecte responsable du projet de prévoir un espace de plain-pied pour les femmes , avec entrée séparée, et d’où elles puissent suivre toutes les parties de l’office religieux sans avoir le sentiment d’être reléguées, parquées. Pourquoi a-t-on négligé de codifier le déroulement de la cérémonie de Bat-Mitzvah ? Dans une société en pleine évolution, le frère de treize ans a droit à tous les honneurs et la sœur de douze ans à une cérémonie hâtive, sans éclat, sans participation réelle de la jeune fille qui fait son entrée dans la communauté d’Israël. Alors que nos sœurs sont devenues professeurs d’université, pourquoi leur denier le droit de prêcher à la synagogue ? Manque-t-on d’exemples historiques, talmudiques ou médiévaux, de personnalités féminines de grand talent ? Rabbi, le codificateur de la Mishna, n’a-t-il pas poussé l’honnêteté intellectuelle jusqu’à reconnaître que le sens d’un verset de Jérémie lui a été donné par la servante qui travaillait à son foyer ? Elle savait, elle, ce que signifiait le mot matate (balai). Quand donc reviendra-t-on à la grandeur biblique ou une femme Déborah – était Juge suprême en Israël ? La halakha, dynamique par essence, s’opposera-t-elle toujours au retour à ces grands principes ? Rabbenou Guershon –lumière de l’Exil- a-t-il hésité un instant en prenant l’initiative d’un interdit qui dure encore aujourd’hui, mille ans après la décision, celui de la polygamie… Que dire de l’humiliation souvent ressentie lorsque nos sœurs doivent se rendre au tribunal rabbinique, pour des raisons de divorce, de Lévirat, ou de conversion ? A-t-on pris conscience de la honte qu’elles subissent ? du sentiment de révolte qui les étreint ? Enfin, peut-on légitimement considérer que le témoignage d’une femme est irrecevable ? Celle qui a le droit de participer au vote pour élire le Grand Rabbin d’Israël ou celui de Paris, ne pourrait-elle pas témoigner que son amie d’enfance est bien célibataire ?…

4 novembre 2006, par Grand Rabbin René-Samuel SIRAT, Grand rabbin du Consistoire Central de France

Extrait du discours donné lors de la cérémonie de la remise de la médaille de Nostra Aetate.