Oui. Jean Ferrat à ce propos a dit que sa chanson était dédiée à toutes les victimes des camps d'extermination nazis. Il a eu des échanges très vifs avec Meir Weintrater qui faisait ces remarques :
« « Je vais vous donner un exemple qui m’a frappé. La chanson « Nuit et brouillard », décrit les victimes des gens qui sont dans des « wagons plombés » et dit :
« Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou
D’autres ne priaient pas mais qu’importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux ».
Les deux derniers vers évoquent les résistants, essentiellement les résistants communistes, puisque c’était la mouvance à laquelle appartenait Jean Ferrat. Dans les deux premiers vers, Natacha fait référence à l’Union Soviétique, Jean-Pierre, on comprend aussi. Le seul moment où l’identité juive apparaît est dans Samuel et Jéhovah. Quant à Vishnou, on suppose que c’était pour faire la rime. Aujourd’hui, un tel texte serait attaqué pour négationnisme implicite. Pourtant, je me souviens que j’étais à l’époque très content de cette chanson et ma génération l’a accueillie avec soulagement. On avait le sentiment que l’on reconnaissait quelque chose implicitement même si cela restait très marginal.
NAM : Que faut-il en déduire ?
M.W : Que Jean Ferrat lui-même, en tant que Français communisant, et bien que de père juif avait intériorisé la minoration de la persécution des Juifs, alors même que son propre père est mort en camp d’extermination….»
Source : le site de Jean Ferrat
Sans doute faut-il replacer cette chanson si prenante dans le contexte de sa création. 1963, on parlait si peu de la Shoah. Comment était-elle transcrite dans nos livres d'histoire ? Oui on aurait pû souhaiter qu'il nomme davantage. Mais les tristes échos de notre époque, violemment antisémite, nous font-ils pas l'écouter autrement, accentuer ce reproche : si peu nommer alors que ce sont essentiellement les Européens Juifs et Tziganes qui ont été exterminés, systématiquement, et eux des plus jeunes enfants aux femmes et aux hommes les plus âgés. Si peu nommer n'est-ce pas une façon de nier ou de taire ? Il me semble que la volonté de Ferrat était de dire, même imparfaitement. Ses engagements politiques ont-ils pesé ? Je l'ignore.
Sa chanson a bouleversé des millions de personnes dans ce pays. N'a-t-elle pas entrouvert une porte ? Il se disait si peu en ces années...
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