changement de cap US?

Premiers signes tangibles d’un changement de cap américain ?
Shraga Blum
mercredi 29 novembre 2006 - 14:15







Le voyage du Président américain en Jordanie aujourd’hui mercredi est accompagné de rumeurs de plus en plus persistantes et précises sur l’intention de l’administration américaine d’entamer un retrait progressif de certaines zones en Irak, et notamment celle d’Anbar, à l’ouest du pays. Selon la Washington Post d’hier, qui se basait sur des documents ultra confidentiels des renseignements militaires, les forces américaines et leurs alliés irakiens auraient échoué dans leur tentative d’éliminer Al-Qaïda de cette région. La population locale, composée essentiellement de sunnites, se montre de plus en plus favorable à l’organisation de Ben Laden, qui –selon eux – est la seule qui puisse les protéger contre l’hégémonie chiite en Irak.

Cette décision, si elle se confirmait, entraînerait deux conséquences importantes : l’une psychologique, parce qu’elle signifierait un premier aveu de défaite militaire US dans sa lutte contre le terrorisme, avec tout ce que cela signifie dans l’imaginaire arabe. L’autre, plus grave encore, serait la perspective de la création dans la région évacuée d’un « Etat Al-Qaïda », qui constituerait un danger énorme pour son voisin direct, la Jordanie…et indirect...Israël !

Bien évidemment, les déclarations de l’Administration Bush se veulent apaisantes. Le Président affirme que les troupes américaines ne quitteraient cette zone qu’une fois en avoir « donné les clés » à des tribus sunnites pro-américaines ou en tous cas « anti Al-Qaïda ». Mais qui parmi les militaires ou les politiques peut aujourd’hui se porter garant qu’une fois les Marines partis, le scénario idéal va nécessairement se produire ? Est-on sûr que ces sunnites vont lutter contre Al-Qaïda? Et s’ils s’alliaient au contraire à la nébuleuse terroriste pour lutter ensemble contre les Kurdes et les Chiites ? Rien n’est plus fragile et incertain que cette mosaïque irakienne, et cette région est sûrement la moins prévisible du monde !

Certains responsables américains conseillent en sourdine de remplacer le président irakien actuel Nouri Al-Maliki, jugé trop faible et incapable de maintenir l’ordre entre les innombrables factions, tribus et courants religieux en Irak. Paradoxalement, (et cela ne présage rien de bon pour nous) le seul moyen pour les Etats-Unis de garantir une suprématie sunnite dans la région évacuée sera de « louer » les services de l’Arabie Saoudite mais surtout de la Syrie, qui craignent Al-Qaïda comme la peste. Quelle aubaine pour le régime de Damas, montré du doigt ces derniers jours pour son implication dans le naufrage du Liban, et qui ne manquera pas de faire grassement payer son aide, en monnaie économique et politique. Ceci constituerait sans aucun doute le premier grand changement stratégique américain au Proche-Orient, avec des retombées inévitables et négatives sur Israël.

L’une des autres conclusions inquiétantes à tirer de ces développements est qu’aucune des puissances démocratiques qui sont actuellement au front du combat anti-terroriste - les Etats-Unis et leurs alliés en Afghanistan ou en Irak, Israël face au Hezbollah ou aux Palestiniens - n’ont encore trouvé le moyen idéal pour lutter efficacement contre cette hydre criminelle et qui ne connait pas de normes morales.

Les terroristes, qu’ils soient Afghans, Palestiniens ou Irakiens ont réussi a créer autour d’eux une constellation de données sur le terrain qui rend difficile si ce n’est impossible une victoire décisive de forces démocratiques sur eux : s’entourer de populations civiles pour créer des dilemmes moraux et s’allier l’opinion publique internationale, déstabiliser les régimes modérés ou déclarés comme tels dans les pays dans lesquels ils opèrent, et enfin, créer des bases logistiques dans des pays voisins « inattaquables » pour l’instant, tels que l’Iran, le Pakistan, la Syrie ou la Somalie.

Contre ces données pessimistes, certains spécialiste prônent tout simplement d’essayer une nouvelle méthode : celle de l’utilisation de commandos contre la guérilla. C’est moins spectaculaire et médiatique, mais peut-être plus efficace à long terme…

Ce qui est certain c'est qu'il est obligatoire de continuer la lutte contre ces forces obscures, et de ne leur laisser aucun répit.



arouts7