Les Américains ne comprennent pas que les Saoudiens aient leurs propres priorités au Moyen Orient
Par Zalman Shoval, ancien ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis
Paru dans www.YnetNews.com du 7 mars 2007
Traduit par Albert Soued, www.chez.com/soued pour www.nuitdorient.com
Lors de la guerre du Golfe en 1991, je servais Israël comme ambassadeur à Washington et les Américains m’avaient affublé d’un bataillon de gardes du corps qui m’ont accompagné tout au long de cette guerre. J’ai poussé un soupir de soulagement quand ils ont desserré leur étau à la fin du conflit. Mais l’ambassadeur d’Arabie saoudite Bandar ibn Soltan n’a pas réagi comme moi. Il appela son ami, G Bush père, à la Maison Blanche et lui demanda que les gardes du corps continuent à le protéger. Après 22 ans de service à Washington, Bandar retourna dans son pays. Au premier abord, il apparut qu’on n’avait pas trop regretté son absence, mais rapidement, il commença à diriger les Affaires Etrangères du pays. Ses liens étroits avec la famille Bush ne concernent pas seulement les sujets stratégiques, mais se manifestent à travers des ventes d’armes à grande échelle. Selon son propre témoignage, Bandar était impliqué dans presque toutes les décisions que les Etats-Unis ont prises au Moyen Orient.
Quand G Bush junior commença sa campagne pour se faire élire, Bandar le rencontra pour le mettre au courant des affaires du Moyen Orient, y compris le conflit Israélo-Palestinien. Que l’initiative ait été prise à Washington ou à Riyad, l’administration américaine a décidé de soutenir l’Arabie Saoudite récemment, plutôt que l’Egypte, dans sa récente percée diplomatique dans la région.
Les problèmes les plus urgents
Cependant l’Arabie a ses propres priorités qui ne sont pas toujours liées aux objectifs de Washington. L’écart le plus important concerne l’affaire Palestinienne. Bush espérait que l’implication saoudienne et la médiation active de Bandar, par le biais de l’accord de la Mecque allait mener à “apprivoiser” le Hamas et à établir un état Palestinien sur la base des conditions du Quartet. C’est l’inverse qui s’est produit. C’est Mahmoud Abbas qui a été “apprivoisé” et aucune des conditions du Quartet n’a été adoptée (1).
De plus les dirigeants du Hamas se sont vite empressés de dire au monde qu’ils ne reconnaîtraient jamais le droit d’exister d’Israël. Et selon le New York Times, l’accord obtenu grâce à la médiation saoudienne a en fait torpillé le sommet tripartite entre Condoleeza Rice, Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas.
Washington n’a apparemment pas compris que Bandar et les Saoudiens avaient leurs propres objectifs et intérêts. Ils ne voulaient pas isoler le Hamas, mais plutôt s’en rapprocher, même par le biais financier, de manière à saper les liens qui commençaient à se nouer entre les organisations terroriste sunnites et l’Iran shiite. Hamas est un groupe sans doute radical, mais au moins sunnite, ce qui le rapproche du régime saoudite de l’Arabie, qui n’est pas moins fondamentaliste après tout.
Ce qui préoccupe aujourd’hui les dirigeants Saoudiens c’est la montée du pouvoir shiite au Moyen Orient, même sur le plan interne (15% de l’Arabie est shiite). Leurs craintes augmentent avec les combats en Irak, où les shiites sont dominants dans les rouages de l’état.
Cela ne veut pas dire que la famille royale des Ibn al Saoud ne cherche pas résoudre le conflit Israélo-Palestinien, surtout si cela est possible aux dépens d’Israël, mais elle a des problèmes plus urgents à résoudre (2).
Note de la traduction
(1) Le gouvernement d’union nationale qui vient de voir le jour le 15 mars 2007 sous l’égide de l’accord de la Mecque est sous la coupe du Hamas et constitue un recul certain dans toute négociation, puisque les 3 conditions imposées par le Quartet et acceptées par Mahmoud Abbas président de l’Autonomie Palestinienne (AP) ne sont plus à l’ordre du jour de la nouvelle coalition. Ces 3 conditions sont: reconnaissance de l’existence de l’état d’Israël, fin de la terreur, acceptation de tous les accords passés signés par l’AP.
(2) Devant la volonté de prééminence de l’Iran shiite dans la région, à travers le développement de l’arme nucléaire et le renforcement du terrorisme au Moyen Orient et dans le monde, l’Arabie, sunnite et ennemi héréditaire de la Shia’h, cherche à garder ses positions
- maintien d’un Liban hors de l’axe Téhéran-Damas
- conservation des liens qui ont coûté fort cher avec le Hamas. Par les liens étroits tissés avec le Hezbollah et l’Iran, le Hamas apparaît comme un maître chanteur vis-à-vis de son pourvoyeur de fonds saoudien