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Guysen >> Culture >> Personnalités
Mes souvenirs de Léopold Trepper et Alain Poher
Par le docteur Paul Benaïm pour Guysen Israël News
Jeudi 29 mars 2007 à 21:59
Mon métier a été, comme pour la majorité des médecins, l’occasion de rencontrer des patients de tous milieux, des plus humbles aux plus riches, des plus obscurs aux plus célèbres ; il a pu m’arriver d’examiner le même jour un éboueur et une comédienne, une religieuse et un rabbin…
Le hasard a mis sur ma route deux personnalités qui laisseront un nom dans l’Histoire, Léopold Trepper, chef de l’Orchestre rouge, et Alain Poher, président du Sénat. Voici les souvenirs inédits que je garde d’eux et qui, je l’espère, feront sourire.
Gardez-vous, chers amis de Guysen, d’imaginer que l’auteur de ces lignes est un médecin mondain en relation avec des gens hauts placés, introduit dans les milieux huppés ou habitué des cocktails parisiens.
C’est en réalité un concours de circonstances qui m’a permis, au cours d’une carrière de cardiologue à activité mixte, à l’hôpital public le matin et « en ville » le reste du temps, de rencontrer les personnalités éminentes dont il sera question ici .
Il n’y a aucune raison pour que ce témoignage, ou ces anecdotes, cocasses par certains côtés , demeurent confidentiels.
Léopold Trepper (1904-1982)
Nous sommes en 1975. Le docteur Jean Wasniewski, généraliste parisien, est un de mes fidèles correspondants. Dans les cas qu’il estime sérieux, il prend lui-même rendez-vous pour ses malades et les accompagne à mon cabinet.
C’est ainsi qu’en sa présence, j’examine un septuagénaire s’exprimant en français avec un fort accent yiddish. Cet homme n’est autre que le chef du légendaire réseau d’espionnage, l’Orchestre rouge, qui a joué un rôle majeur au cours de la Deuxième Guerre mondiale . On affirme qu’il avait averti les services secrets soviétiques de l’imminence de l’attaque allemande contre l’URSS de juin 1941, mais Staline n’y avait pas cru. (1)
Au cours de la consultation, je ne peux m’empêcher de demander à mon patient comment il avait pu, à l’époque, passer inaperçu malgré sa prononciation, liée à ses origines de juif polonais ; il m’explique que, séjournant en France depuis 1935, il était, en 1939 au moment de la guerre, dépourvu de tout accent.
Curieusement, sans doute en raison des décennies écoulées sans pratiquer le français, cet accent est réapparu 30 ans après.
Léopold Trepper est alors de passage à Paris, pour le lancement de son livre « Le grand jeu » (2). Son état de santé est préoccupant et je dois faire hospitaliser d’urgence mon illustre patient, bien entendu sous un nom d’emprunt, à l’hôpital Fernand-Widal à Paris, dans le service du professeur Jean-Jacques Welti dont je suis l’assistant.
Des nouvelles de monsieur Domb ?
C’est ainsi que monsieur Domb, alias Léopold Trepper, est admis le jour même à Fernand-Widal.
Dans la soirée, je téléphone au médecin de garde pour avoir des nouvelles de l’entrant, monsieur Domb. « Vous voulez dire Léopold Trepper ? », me répond en riant mon jeune collègue. Coïncidence extraordinaire, entre deux urgences, il lisait le livre de Gilles Perrault « L’orchestre rouge ». Dans ce livre, il est précisé que Domb était le pseudonyme du maître espion au cours de la guerre 39-45 !
Quelques jours plus tard, Léopold Trepper quittait l’hôpital, regagnait Jérusalem, d’où il m’adressait une carte postale en signe d’amitié.
Alain Poher( 1909-1996 )
En 1980, Alain Poher est président du Sénat. Par deux fois, il a été président de l’Etat par intérim, et c’est comme un chef d’Etat qu’il est accueilli à l’étranger.
En décembre, il fait un voyage officiel au Sénégal. A sa descente d’avion, il n’est pas très en forme , un méchant rhume risque de gâcher son séjour.
Son entourage lui conseille de recourir à des gouttes nasales décongestionnantes très efficaces. En effet, dés les premières instillations, un mieux se fait sentir, ce qui l’incite à renouveler cet « excellent » traitement à plusieurs reprises .
Tant est si bien que dans la nuit survient une vive suffocation en rapport avec une élévation extrême de la pression artérielle. Les gouttes nasales en sont la cause. Elles contiennent en effet un produit générateur d’élévation tensionnelle.
Intervention médicale d’urgence. Transport à l’hôpital militaire français de Dakar. On souhaiterait avoir l’avis d’un cardiologue, mais le seul cardiologue de Dakar est immobilisé par une fracture de jambe après une chute dans un trou d’égout dont la plaque avait été volée !
C‘est ainsi que je suis appelé en consultation, recommandé par un chef de cabinet dont j’avais soigné la sœur.
Paris-Dakar par le Concorde en compagnie de Jean- Yves Artigou, interne du service du professeur J.J. Welti.
L’évolution rapidement favorable permet à Alain Poher de poursuivre sa visite officielle puis de rentrer à Paris avec la délégation qu’il menait et ses deux médecins.
Un secret (d’Etat ?) bien mal gardé
Ce séjour au Sénégal a été suivi de contacts réguliers avec le président, surveillance de routine de la pression artérielle et de l’électrocardiogramme, toujours précédée de longues conversations où il était question de son passé de résistant, de la France et de ses hommes politiques, d’Israël, de Rika Zaraï (dans le livre autobiographique de Rika figure une photo de la chanteuse israélienne avec Alain Poher en 1972)…
Courtois et chaleureux, le deuxième personnage de l’Etat français m’accueillait devant le perron de sa résidence.
Un jour, en février ou en mars 1981, je me suis rendu au Palais du Luxembourg, accompagné de mon plus jeune fils Alexandre, alors âgé de 14 ans. (« Papa, amène-moi au Sénat ! » Comment refuser ?)
Pendant mon entretien avec le président, Alexandre attend dans le cabinet de travail qui fut celui de Napoléon, une pièce magnifique donnant sur les jardins du Luxembourg. Attente trop longue pour un adolescent désœuvré ? Pour tromper l’ennui, il jette un œil sur les documents posés sur le bureau présidentiel. L’un de ces documents porte la mention « Confidentiel. Candidature Giscard ».
Nous étions à quelques mois des élections présidentielles, et Valéry Giscard d’Estaing, Président en titre, n’avait pas encore annoncé sa candidature ; mais dés le lendemain, tout le lycée Chaptal, où était scolarisé Alexandre, était au courant !
Un impardonnable oubli
Il y a quelques jours, dans le cadre des « Archives de la mémoire sépharade », j’ai rapporté le récit de ma vie, celle d’un Parisien natif d’Oran, témoignage pour les générations futures (4).
Au cours d’un entretien filmé de quatre heures, j’ai totalement oublié de raconter mes rencontres privilégiées avec Léopold Trepper et Alain Poher.
Voilà qui est fait.
Références
1- D’après le texte de Catherine Gorski, Léopold Trepper, maître espion. http://mapage.noos.fr/shv2/trepper.htm
2- L. Trepper et P. Rotman. Le grand jeu. 1975
3- Gilles Perrault. L’orchestre rouge. Fayard 1964. Nouvelle édition 1989
4- Hélène Trigano. Archives de la mémoire sépharade. Paris
Illustrations
1-Léopold Trepper. Couverture du livre de Gilles Perrault, l’orchestre rouge
2- Crédit photo de Alain Poher : Sénat.
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