Prudence et responsabilité
7 avril 2010 par Joseph Facal
L’excellente chroniqueuse de La Presse, Lysiane Gagnon, déplorait récemment la montée d’une «hystérie anti-islamiste» dans nos sociétés.
Il est vrai que la religion islamique est plus mal vue que jadis.
Il est vrai aussi que la grande majorité des musulmans qui vivent parmi nous désirent s’intégrer sans attirer de controverses. Ils subissent les dommages collatéraux provoqués par la montée de l’intégrisme.
Notre inquiétude collective n’est cependant pas sans fondements sérieux.
Nous ne sommes pas des malades imaginaires.
Tout n’est pas, comme on voudrait souvent nous le faire croire, que tempêtes dans des verres d’eau, incidents isolés et enflure médiatique.
L’islamisme militant ne peut d’aucune manière être placé sur le même pied que les autres mouvements politiques à fondement religieux.
Y a-t-il une autre religion au nom de laquelle des États financent des organisations terroristes ?
Y a-t-il une autre religion au nom de laquelle on voudrait instaurer un système de justice parallèle au nôtre ?
Y a-t-il une autre religion au nom de laquelle des écrivains et des caricaturistes sont menacés de mort par les intégristes ?
Y a-t-il une autre religion au nom de laquelle des fanatiques tuent à coups de pierres les gens coupables d’adultère ?
Y a-t-il une autre religion qui, lorsqu’elle est majoritaire dans une société, a autant de peine à coexister avec la démocratie authentique ?
Y a-t-il une autre religion qui, lorsqu’elle devient dominante, refuse à ce point de reconnaître aux autres croyances l’espace qu’elle voudrait pour elle ici ?
Y a-t-il une autre religion au nom de laquelle l’obsession anti-israélienne agit comme un véritable opium collectif afin de justifier les faillites spectaculaires de toutes les sociétés où elle est majoritaire ?
Toutes les religions voudraient convertir le monde entier, mais y en a-t-il une autre qui s’y emploie en exprimant si nettement son rejet des fondements philosophiques de nos sociétés ?
Toutes les religions ont des franges extrémistes, mais y en a-t-il une autre où les modérés sont à ce point intimidés qu’ils ne dénoncent que du bout des lèvres ceux qui leur font tant de tort ?
Toutes les religions ont des rapports troubles avec la sexualité des femmes, mais y en a-t-il une au nom de laquelle cela s’exprime, de nos jours, de manière aussi brutalement obscurantiste ?
Madame Gagnon avance que les femmes totalement voilées ne sont qu’une poignée chez nous et qu’il est donc exagéré de leur interdire l’accès aux services publics.
À partir de quel nombre faudrait-il agir ? Quand elles seront 200, 250 ou 2000 ? Et pourquoi un seuil plutôt qu’un autre ?
Le propre d’une question de principe est précisément que le nombre n’y est pour rien.
Il est vrai, comme elle le note, que ces questions plongent dans l’inconfort ceux qui en mesurent toute la complexité.
L’extrême droite populiste n’a pas ces états d’âme. Même chose, au fond, pour cette gauche multiculturaliste, qui s’accommode toujours de tout, qui pense que le monde est peuplé d’anges, et qui ne condamne vigoureusement que nos propres sociétés.
Entre l’hystérie et l’aveuglement, la seule attitude appropriée est celle de la vigilance responsable.
Publié dans Journal de Montréal et Journal de Québec
Source: http://www.josephfacal.org/