PARIS (Reuters) - Des dizaines de milliers de salariés ont défilé en ordre dispersé en France à l'occasion du 1er-Mai, mais unis autour de la volonté de faire barrage à Nicolas Sarkozy.
En l'absence d'union syndicale et à cinq jours du second tour de la présidentielle, les dirigeants des grandes centrales syndicales ont eu le souci de placer ces traditionnels défilés de la Fête du Travail dans la perspective des grands rendez-vous sociaux attendus après les élections.
Ceci quel que soit le vainqueur - Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy - du scrutin présidentiel dimanche prochain. Nombre de défilés ont toutefois pris une nette tournure "anti-Sarko", beaucoup de manifestants affichant leur opposition au candidat de l'UMP, en tête des sondages pour l'élection du 6 mai.
Près de 250 rassemblements ont eu lieu sur l'ensemble du pays. Aucun défilé unitaire n'était organisé, comme c'est l'usage depuis des années mais à la différence de 2002.
Il y a cinq ans, le 1er-Mai avait pris un tour particulier, les syndicats participant à un défilé contre le Front national, dont le candidat, Jean-Marie Le Pen, avait à la surprise générale accédé au second tour provoquant un séisme politique.
A Paris, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, était en tête d'un cortège de dizaines de milliers de personnes, 60.000 selon le syndicat, 25.000 d'après la préfecture de police, qui ont défilé de la place de la République à Nation..
Beaucoup de manifestants arboraient sur le torse des autocollants rouges avec écrit en lettres blanches "Anti-Sarko". La CGT a marché aux côtés des enseignants de la FSU et de l'Unsa ainsi qu'avec l'Unef (étudiants).
"EFFET BOOMERANG"
Bernard Thibault a dit espérer que ces défilés - la CGT a revendiqué 200.000 manifestants en France - donneraient du poids aux organisations syndicales "avant les premières rencontres avec les nouvelles équipes gouvernementales".
Il a jugé que les candidats en lice pour le second tour n'étaient pas, aux yeux de la CGT "à égalité". Bernard Thibault a, dans l'hypothèse d'une victoire de Nicolas Sarkozy, évoqué à plusieurs reprises un "gouvernement brutal" qui, prédit-il, s'attaquera "aux libertés syndicales et au droit de grève".
"L'important pour tout futur gouvernement est d'écouter avant de décider", avait-il souligné auparavant sur l'antenne de France 2, rappelant l'échec subi l'an dernier par le Premier ministre, Dominique de Villepin, contraint de retirer son projet de Contrat première embauche (CPE) sous la pression de la rue.
Bruno Julliard, président de l'Unef, était présent dans le défilé, a-t-il dit à la presse, pour alerter l'opinion publique, "sur les positions très dangereuses du candidat Nicolas Sarkozy qu'il faut absolument faire battre".
"Quand Nicolas Sarkozy dans son meeting à Bercy a soumis à la vindicte populaire, sous les huées de son public, les fonctionnaires, les syndicalistes, les jeunes, ça nous a rappelé de tristes heures de notre histoire", a-t-il dit.
François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a défilé à Metz, en tête d'un cortège d'un millier de personnes, pour une manifestation sur le thème du pouvoir d'achat et de l'emploi. "La CFDT a une démarche non partisane dans cette campagne électorale", a-t-il rappelé.
"Non partisane (...) cela n'empêche pas d'apporter des critiques sur tel ou tel programme, et tout le monde le sait, j'ai apporté de nombreuses critiques, y compris au programme de Nicolas Sarkozy" a ajouté François Chérèque.
Jean-Claude Mailly, numéro un de Force ouvrière (FO), la troisième grande centrale syndicale, était à Lille. Il a invité le futur gouvernement à faire attention "à l'effet boomerang de décisions qui pourraient être prises à l'arraché durant l'été".
CHOMAGE, POUVOIR D'ACHAT
A Paris, où FO avait organisé un petit défilé - qui a rassemblé selon la préfecture 500 personnes - chômage et pouvoir d'achat étaient les deux thèmes dominants.
"Il y a une très forte attente (...) pour qu'on puisse avoir un droit au travail et un droit à un salaire décent", a dit à la presse Marie-Suzie Pungier, secrétaire confédérale de FO.
"Il n'est pas question de travailler plus pour gagner plus", a-t-elle ajouté, reprenant une formule souvent citée par Nicolas Sarkozy. "Il y en a beaucoup qui voudraient travailler si on leur donnait un emploi", a fait valoir la syndicaliste.
A Marseille, près de 20.000 personnes selon les organisateurs, quatre fois moins d'après la police, ont défilé, à l'exception de FO, de manière unitaire derrière une pancarte sur laquelle était inscrit : "Liberté, égalité, fraternité - Pour la paix et la justice sociale".
Les manifestants ont scandé des slogans en faveur de la "défense des emplois et des salaires" et d'autres hostiles au candidat présidentiel de l'UMP, tels que "Karchérisons Sarko" ou encore "Sarko, le peuple aura ta peau".
A Strasbourg, un peu plus de 2000 personnes (1600 selon la police) ont manifesté derrière une banderole appelant à la défense "des salaires, de l'emploi et du droit local".
"On n'a pas politisé nos banderoles, mais on souhaite aller plus loin que la CGT au niveau national et appeler clairement à faire barrage à Sarkozy", a déclaré Jacky Wagner, secrétaire de l'union départementale CGT du Bas-Rhin.
A Toulouse, un millier de personnes selon les organisateurs, environ 800 selon la police, ont défilé à l'appel des principaux syndicats, à l'exception de FO qui là aussi défilait séparément.
Une centaine de salariés d'Airbus brandissaient une banderole "Non au plan Power 8", qui prévoit 10.000 suppressions d'emploi en Europe, dont 4.100 en France, et la vente partielle ou totale de six usines de l'avionneur d'ici à 2010.