C’est un peu brutal, c’est sûr. Mais c’est pourtant ce qui ressort d’un déjeuner plein de bonnes intentions organisé par le Club de la Presse de Strasbourg. Le thème : «la difficulté d’informer sur l’Europe». Déjà, le ton est donné : c’est dur, on sait que c’est dur. Mais la question est : pourquoi c’est dur ? Du côté de l’accusation, l’assistance, et la plupart des débateurs : Françoise Schöller de la rédaction européenne de France 3, Anja Vogel de Radio-France, Michel Arnould de l’Alsace. Du côté neutre : Marc-Antoine Valverde d’Arte. Du côté de la défense : Dominique Jung, rédacteur en chef des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA).
Je ne vais pas vous résumer tout le repas-débat. Mais bon, la substantifique moëlle réside véritablement dans ces quelques mots : dur dur d’informer sur l’Europe. L’introduction du modérateur du débat fut un modèle de contradiction avec le thème et avec ce qui finalement ressortit du débat. Une sorte de méthode Coué qui affirmait que si, les Français s’intéressent à l’Europe, mais si, les médias en parlent, faut pas exagérer.
Bon, alors, après ce hors-d’œuvre hors de la réalité, qu’est-ce qu’on fait du thème du débat ? On s’assoit dessus et on mange ? Bon, notre homme a été gentiment traité. Les débateurs ont nuancé le propos, en annonçant poliment qu’ils ne pouvaient pas totalement partager son point de vue.
«L’Europe, on s’en fout et ça fait chier», s’entend dire Anja Vogel quand elle veut avertir sa rédaction d’une grosse actualité… «Ce n’est plus à la mode depuis que le référendum européen est passé», déplorent en choeur nos consoeurs du service public audiovisuel français. Pour les rédacteurs en chef réticents, Monsieur Jung a une explication : c’est casse-pied parce qu’à chaque fois, il faut toujours tout rappeler au lecteur, lui expliquer comment ça marche et ce qui se passe… l’informer en somme. Et ça prend de la place dans le journal et du temps pour les journalistes parce que l’Europe, on le sait, c’est loin d’être simple… Mais pourquoi les gens ne s’informent pas par eux-même sur le fonctionnement de l’Union ?! C’est quand même pas aux journalistes de tout leur expliquer ! Il faut les éduquer à l’école, c’est l’Etat qui fait mal son boulot !, nous explique-t-il encore…
Et puis bon, parce que l’Europe est très complexe, il faut des spécialistes dédiés, toujours selon notre modérateur de débat (qui au passage, s’est souvent mué en débateur, version avocat du diable). Nous sommes d’accord : c’est beaucoup mieux… sauf qu’aux DNA, les spécialistes ont également beaucoup d’autres missions et préoccupations (il s’agit d’un éditorialiste et d’une secrétaire de rédaction). L’effrontée que je suis le fait remarquer au modérateur… provoquant un «oh» dont je n’ai su déceler si c’était de la surprise ou de l’indignation, ou les deux. Car après tout, qu’une pigiste, même travaillant pour plusieurs médias nationaux, puisse piquer le rédacteur en chef des DNA là où ça fait mal, c’est quand même fort de café ! D’ailleurs, cette petite pique a provoqué une grosse colère chez notre modérateur.
Une colère toutefois vite apaisée par une prise de parole plus soft du correspondant de l’ARD qui appuie un autre argument posé par l’assistance et confirmé par les débateurs : les rédactions sont nombrilistes et préfèrent parler de l’actualité nationale, fût-elle mineure, plutôt que de l’actu européenne qui peut être majeure, mais sans incidence immédiate sur la vie du lecteur/auditeur/téléspectateur.
Et ensuite ? Ensuite, notre ami d’Arte nous a dit que l’Europe est un desk comme un autre, qui doit se battre comme les autres pour imposer ses sujets. C’est peut-être comme ça que cela fonctionne à Arte, mais personnellement, je ne pense pas que dans toutes les rédactions, l’Europe puisse occuper un desk entier !
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