La prise quotidienne d'aspirine pendant dix à quinze ans lutterait contre l'apparition des tumeurs.
LA PRISE quotidienne d'aspirine à la dose de plus de 300 mg par jour, voire jusqu'à 1 200 mg par jour durant cinq ans, pourrait être considérée une bonne prévention primaire contre le cancer colorectal. Et ce, durant une période de 10 à 15 ans après le début du traitement, selon un article publié demain dans l'édition spéciale du Lancet consacré à la gastro-entérologie. Une prévention aussi simple par un médicament si bon marché permettrait de résoudre le délicat problème du dépistage systématique de ce cancer fréquent qui passe par la coloscopie, un examen coûteux et pas facile à mettre en place à large échelle.
Mais les auteurs britanniques de l'article mettent aussitôt un bémol à cette assertion. Ils soulignent les risques de saignements gastriques et intestinaux liés à la prise au long cours de doses relativement importantes de cette molécule. Seuls les individus à haut risque de cancer colorectal devraient pouvoir en bénéficier. Ce n'est pas la première fois que l'on s'interroge sur les effets bénéfiques de l'aspirine, cette « vieille dame de la pharmacopée », en prévention contre le cancer du côlon. Déjà, trois précédentes études avaient montré que la prise régulière de ce médicament réduit les récidives d'adénome du côlon chez les patients à haut risque, avec des antécédents personnels ou familiaux d'adénome ou de cancer.
Apparente contradiction
En revanche, deux autres grandes études avaient échoué à montrer son efficacité pour la prévention d'une population, sans risque précis identifié. Pour résoudre cette apparente contradiction, l'équipe d'Enrico Flossmann d'Oxford en collaboration avec des épidémiologistes fameux, sir Richard Doll et sir Richard Peto, s'est intéressée à deux groupes différents suivis depuis le milieu des années 1980 : celui de 5 139 médecins britanniques traités ou non par 500 mg d'aspirine par jour et celui de 2 449 patients traités à des doses allant de 300 mg par jour à 1 200 mg par jour ou par un placebo, après avoir été victimes d'une attaque cérébrale transitoire.
Finalement, la prise de ce médicament montre, au bout de cinq ans, une diminution de la survenue du cancer colorectal de 37 % mais de beaucoup plus (autour de 74 %) si l'on maintient le suivi de 10 à 15 ans après le début de la mise en route du traitement. Pour expliquer un résultat aussi surprenant, qui contraste si fort avec les autres études, Enrico Flossmann met en exergue les doses beaucoup plus fortes (300, 500, voire 1 200 mg) utilisées comparées avec les 50 à à 162 mg testés dans les précédentes.
Avec 35 000 cas par an et 16 000 décès, le cancer du côlon est l'une des tumeurs malignes les plus fréquentes dans notre pays. L'âge moyen pour le diagnostic se situe autour de 73 ans chez les femmes et 69 ans pour les hommes. La plupart de ces tumeurs se développent à partir d'une tumeur bénigne du côlon, un adénome qui met de 10 à 20 ans avant de se cancériser. Plus de 40 % des plus de 60 ans dans nos pays ont un ou plusieurs adénomes. Mais moins de 10 % d'entre eux se transformeront en tumeur maligne. C'est dire l'intérêt de détecter ces adénomes le plus tôt possible pour pouvoir les enlever et les analyser.
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