Ha'aretz, 24 mai 2007
http://www.haaretz.com/hasen/spages/862588.html
La fin de la méthode Sharon
Akiva Eldar
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
La semaine dernière, Tzipi Livni [ministre des affaires étrangères] se
lamentait auprès de diplomates étrangers du fait qu'Israël avait quitté la
bande de Gaza et démantelé ses colonies, mais que les Palestiniens
répliquaient par des salves de Qassam. Vraiment, ce n'est pas bien. Alors
quoi, Livni, et son mentor Ariel Sharon, ne savaient pas que les terroristes
du Hamas ne sont pas gentils? Ils pensaient que Khaled Meshal et Mahmoud
a-Zahar allaient leur envoyer des fleurs? Difficile de dire le pire : qu'ils
n'aient pas pris en compte la possibilité qu'un désengagement sans accord
avec les Palestiniens augmente les menaces sur les villes du Néguev
occidental, à comparer avec ce qui s'est passé après le retrait d'Israël du
Liban sans accord avec la Syrie, ou qu'ils aient quitté Gaza en sachant
parfaitement qu'elle tomberait comme un fruit mûr entre les mains du Hamas.
La ministre a donné elle-même la réponse, il n'y a pas longtemps. Dans une
interview à la télévision américaine, elle a reconnu qu'il aurait mieux valu
quitter Gaza dans le cadre d'un accord plutôt que de "jeter la clé dans la
rue". La "rue", c'est bien sûr le Hamas, dont le slogan est : "La résistance
a vaincu les accords." Le meilleur choix effectué par Olmert depuis qu'il a
endossé les habits de Sharon a été de trahir sa propre promesse : "suivre la
voie tracée par Sharon." On ne parle plus, ni de convergence, ni
d'unilatéralisme. La formule usée du "pas de partenaire" a cédé la place aux
louanges des "dirigeants arabes modérés" et à des envies de "processus de
paix."
Qu'il ait jusqu'ici résisté aux pressions de reconquête de la bande de Gaza
montre là aussi qu'Olmert ne suit pas les yeux fermés la voie de Sharon.
Pour l'instant, il s'est gardé de donner l'ordre de rejouer à Gaza
l'opération Rempart, qui avait ramené les troupes israéliennes en
Cisjordanie. Peut-être même a-t-il retenu la leçon de la deuxième guerre du
Liban : une attaque massive contre des civils arabes unit le monde arabe
contre l'ennemi israélien et ses "partenaires" du camp arabe modéré.
Comme toujours, cela sert le courant radical au sein du Hamas, qui n'aime
pas du tout le partenariat entre le premier ministre (Hamas) Ismaïl Haniyeh
et le président (Fatah) Mahmoud Abbas. Ce courant cherche à saper le plan
Dayton destiné à renforcer le Fatah , et refuse l'initiative de paix arabe.
La meilleure manière de réhabiliter ce que Sharon a laissé du partenaire est
donc un usage précis et prudent de la force contre le Hamas, retrouver la
clé abandonnée dans la rue et la livrer à la bonne adresse. Cela pourrait se
faire en répondant par l'affirmative à la demande d'Abbas d'étendre
l'accalmie (tahadiyeh) à la Cisjordanie et en ordonnant à Tsahal de ne s'en
prendre plus qu'aux "bombes à retardement", avec une coopération discrète
des appareils de sécurité de l'Autorité palestinienne. Pour autant qu'on
sache, il n'existe pas de tunnels sous le Jourdain qui pourraient servir à
livrer clandestinement des armes en Cisjordanie pendant une trêve. Et
pourquoi le gouvernement n'appliquerait-il pas le programme Dayton qui
prévoit l'allègement des conditions de vie de la population des territoires,
montrant ainsi aux habitants que seul le camp modérés est capable de leur
redonner espoir?
Le fait d'accorder au partenaire palestinien ces mesures, petites mais
importantes, est essentiel, mais au mieux, cela ne fera que maintenir un
statu quo provisoire. Pour s'embarquer sur une nouvelle voie, Israël doit
faire un grand pas en avant, sur le chemin tracé par l'initiative de paix de
la Ligue arabe. En ouvrant un canal de discussion avec Damas, secret ou
public, Israël assurerait à la Syrie qu'un accord sur le Golan ne traînerait
pas après un accord sur les territoires palestiniens, et ne ferait pas que
calmer le front Nord. L'hôte de Damas, Khaled Meshal, pourrait aussi exercer
bien plus d'influence à long terme sur le front Sud que quelques attaques
aériennes israéliennes sur les laboratoires d'armes à Gaza.
Le heurts violents qui ont opposé le Hamas au Fatah dans les rues de Gaza ne
sont rien de plus qu'une répétition générale de la grande confrontation que
le Hamas prévoit pour juin et juillet. La tentative de mélanger un mouvement
religieux (dont l'idéologie ne lui permet pas de reconnaître un Etat juif)
et un mouvement nationaliste laïque (qui a compris les limites de sa force)
n'a pas marché. Tôt ou tard, par les armes ou par les urnes, les
Palestiniens auront une autre chance de choisir la voie qu'ils préfèrent. Et
les Israéliens aussi.