FN, l’air de rien...
La drôle de campagne de Le Pen
Par David Bronner, pour Guysen Israël News
Mardi 5 décembre 2006 à 02:31
Dans une lettre adressée au Premier ministre Dominique de Villepin, Jean-Marie Le Pen dénonce "la publication du nom des parrains par le Conseil constitutionnel [qui] entraîne un véritable chantage politique, voire parfois des menaces physiques sur les maires signataires."
C’est la "conspiration des oligarques" lance-t-il, comme un slogan.
Le ton est choisi, pour une entrée en campagne devenue traditionnelle. Selon lui cette conspiration "lie entre eux les Partis installés et le Conseil constitutionnel pour empêcher le candidat de l’opposition nationale d’être présent lors de ce scrutin majeur."
Depuis sa première participation aux élections présidentielles en 1974, Le Pen a pris pour habitude de dire toutes ses difficultés à rassembler les 500 signatures et dénonce les obstacles dressés par les instances républicaines qui garantissent pourtant le fonctionnement démocratique de la vie politique française. C’est la stratégie qu’il adopte depuis plus de trente ans pour faire parler de lui, exploitant encore une fois ce que le politologue Pascal Perrineau, directeur du Cevipof (Centre d’Etude de la Vie Politique Française) appelle "la défiance des Français vis-à-vis du système politique, qui reste extrêmement élevée". 65% des Français ne font confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner le pays selon les résultats de la dernière enquête du Baromètre politique français (www.cevipof.fr) et un tiers d’entre eux ne se retrouvent plus sur l’échelle droite gauche. Ce courant de défiance nourrit généralement deux phénomènes : l’abstention et le vote dit "protestataire". Dans ces conditions, les électeurs du « ni droite ni gauche » pourraient être à nouveau convaincus par la formation qui avait fait tremblé la vie politique française en 2002.
La surprise de cette année, aux fêtes du BBR (Bleu Blanc Rouge) qui lancent la campagne présidentielle de Le Pen, c’est Dieudonné qui aurait volé la vedette au leader du Front. Le "comique" français qui se complait désormais dans le rôle du "méchant" assume une visite qui n’a pas vraiment surpris les observateurs de la vie politique française, tant sont connues les nombreuses passerelles qui existent entre lui et le FN. Alain Soral, le mentor de Dieudonné qui s’est fait remarquer pour ses "positions antisionistes" a été reçu à diverses reprises par Le Pen en personne, il a même été l’un des inspirateurs du "discours de Valmy", tenu par Le Pen au pied du Moulin de Valmy le 20 septembre dernier.
Vendu par correspondance à "La boutique du FN" de St Cloud, "Un avenir français", le programme frontiste version 2007 est un pavé de plus de 450 pages dont il est difficile de savoir s’il a déjà rencontré le succès attendu auprès des militants voire du grand public. "C’est le plus achevé et le plus complet des programmes proposés par le Front. Nous comptons sur l’efficacité de nos militants pour en faire une promo digne de ce nom, loin des habituelles railleries médiatiques." Et puis, lance un permanent du FN, "faut pas se plaindre, moins on parle de nous et plus on gagne. Ils ne savent plus comment nous diaboliser. Nous bénéficions toujours d’une crédibilité forte. En 2002, Le Pen est arrivé au deuxième tour de l’élection malgré l’ostracisme médiatique, alors…"
La formule « moins on en parle, mieux on se porte » préconisée par de nombreux analystes avait prouvé son inefficacité au soir du 21 avril 2002. Plutôt que de subir la stratégie orchestrée par le Front National, ne vaudrait-il pas mieux regarder de près le programme que tout le monde tait encore mais qui ressemble à celui qui avait porté Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des dernières élections présidentielles ? La vigilance nous semble d’autant plus importante que les intentions de vote des Français pour les prochaines élections présidentielles françaises ressemblent à celles qu’ils déclaraient il y a tout juste cinq ans : près de 17% des personnes interrogées lors d’une enquête récente ont l’intention de voter pour Jean-Marie Le Pen et cautionnent à nouveau un programme qui comporte des passages qu’il est nécessaire de présenter à nos lecteurs : l’un traite de la nationalité française, l’autre précise la position du mouvement de Jean-Marie Le Pen relative à la politique étrangère de la France au Proche Orient.
La dimension « nationale » du programme du Front National occupe une place importante dans le programme de gouvernement d’un parti politique qui se veut le défenseur de l’identité nationale et le promoteur des idées nationalistes.
Le programme du FN propose de « libérer la France » : « la voie nationale est la seule possible, il faut libérer notre identité et notre avenir nationaux des menaces mortelles que l’on fait peser sur eux. » Traditionnellement alarmiste, Le Pen essaie de faire peur pour convaincre. Il dénonce alors la volonté de faire disparaître les Français en tant que peuple, et la France en tant que Nation. L’immigration serait la première des menaces mortelles pour la France et les Français, une « menace mortelle pour la paix civile française » Faisant de la mixité sociale et ethnique une constante phobie, il ajoute : « en mêlant des hommes et des femmes d’origines ethniques et religieuses différentes, les ressortissants immigrés se retrouvent déracinés, coupés de leurs traditions, tout comme les Français dans les quartiers d’immigrés se sentent étrangers dans leur propre pays. L’immigration est donc une source majeure d’insécurité », rappelant ainsi que le refus d’une société multiculturelle, au nom de l’identité de la France, est le combat fondamental du FN.
Conséquence de la politique de la mixophobie qu’il propose, et en développant de violentes critiques du fait européen, il préconise la refonte de la nationalité française, en interdisant par exemple la double nationalité : « les binationaux actuels devront choisir : soit rester français et renoncer à leur double nationalité, soit abandonner la nationalité française. » Dans ces conditions, toute procédure d’acquisition automatique (droit du sol) serait abrogée, et le principe de déchéance de la nationalité, applicable.
C’est bien entendu la France des valeurs chrétiennes qu’il défend, mais celles d’une doctrine qui rappelle le « catholicisme intégral » d’avant la Deuxième guerre mondiale, et non les principes du catholicisme social cher à Emmanuel Mounier. Mais la France, dans la doctrine de Le Pen, doit aussi s’inviter à jouer un rôle de « protectrice des communautés chrétiennes » au Proche Orient. Le programme rappelle que les gouvernements successifs ont commis la faute d’accepter « la satellisation et l’islamisation rampante du Liban. »
Il veut que la France dans le monde devienne « l’avocat de la cause des Nations », et qu’à ce titre, elle propose sa médiation au Proche Orient. Elle appliquerait les principes suivants : « ouverture d’un dialogue direct entre Israël et les Palestiniens, arrêt immédiat et total de l’implantation des colonies juives dans les enclaves arabes encore contrôlées par Israël, évacuation de tous les territoires occupés, reconnaissance à tous les États de la région, de frontières sûres et mutuellement reconnues, éventuellement garanties par l’existence de zones démilitarisées internationalement contrôlées, droit du peuple palestinien à s’ériger sur sa terre en État indépendant, statut international des Lieux saints. »
Le programme du Front prend fait et cause pour les Palestiniens et regrette que la France et les pays européens n’aient pas pris partie contre la politique israélienne : « Nous avons été totalement passifs dans le processus d’Oslo, nous n’avons pas convaincu nos alliés européens de soutenir la transformation des territoires autonomes en embryon d’État palestinien, pour y offrir une alternative à la politique américaine. Bien plus, les déclarations irresponsables de Lionel Jospin nous alignent, dans cette région de toutes les passions, sur les décisions les plus contestables de l’État d’Israël, comme le gel des accords d’Oslo et la poursuite de l’implantation de colonies juives en Cisjordanie, générateurs de frustrations et d’affrontements. »
La critique de la condamnation du Hezbollah par Lionel Jospin voile à peine la volonté de normaliser des relations avec une organisation que l’ancien Premier ministre socialiste avait qualifiée de terroriste… Non, cette fois encore, le Front National n’aura pas rédigé son programme avec le souci de séduire l’électorat juif. A l’heure où de plus en plus de Juifs de France songent à partager le destin de leurs frères israéliens, le FN propose de supprimer la binationalité, et façonne l’image d’un Israël belliqueux, et opiniâtre…
Dans le cadre de la campagne des élections présidentielles de 2007, la rédaction de Guysen proposera régulièrement à ses lecteurs articles, points de vue et analyses.
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