Le bloc-notes d'Ivan Rioufol.
Les socialistes ont-ils des idées ? « Je crois que j'ai mené une campagne extraordinaire », a dit Ségolène Royal, dimanche à La Rochelle, coupant court à l'autocritique. Mardi soir, au Zénith, le PS n'a eu d'autre argument à faire valoir pour les législatives que sa nécessaire présence pour la France. « On ne va pas empêcher Nicolas Sarkozy d'être président de la République, on veut l'empêcher de mener sa politique », a expliqué François Hollande. L'éloge du bâton dans les roues.
Voici venue la gauche la plus bête du monde. Après avoir longtemps servi cette amabilité à la droite - souvent avec raison -, celle qui se voulait le phare de l'intelligence se montre dans une délitescence intellectuelle qui s'annonce durable. La guerre des clans, réactivée depuis le 6 mai, en est un symptôme. Incapable d'esquisser une alternative, l'opposition a choisi de « résister », front bas, aux réformes avalisées par une majorité de Français.
« Nous sommes passés de la gauche plurielle à la gauche plus rien », admet le député Vert Noël Mamère, mardi, sur Europe 1. Mais l'entendre dénier à la droite une légitimité écologiste, à cause de son libéralisme, rappelle le dogmatisme de son camp. La gauche reste guidée par son surmoi marxiste, que même le PC chinois a su évacuer. Elle en vient à défendre l'Ubu vénézuélien, Hugo Chavez, qui a interdit, dimanche, l'unique télévision d'opposition. Qui a entendu tousser nos « droits-de-l'hommistes » ?
Un quinquennat ne sera probablement pas de trop pour construire un grand mouvement rénové. L'aggiornamento passe par l'abandon du socialisme, égalitariste et rétrograde, au profit d'une doctrine tenant compte de la mondialisation, du libre-échange et du besoin de protection des peuples. Les belles âmes en sont loin, qui continuent à avoir des faiblesses pour le communisme et la lutte des classes, fuis par la totalité des partis progressistes européens. Pour autant, l'effondrement du parti du Bien et de la Vertu n'est pas un cadeau pour la droite. Certes, elle semble assurée d'une confortable majorité de députés. Mais la prévisible incapacité de l'opposition, délabrée, à engager rapidement sa révolution culturelle risque de l'inciter à la radicalité existentielle, dont elle a déjà fait preuve avec ses obsessions anti-Sarkozy. Le cauchemar : une gauche bête et méchante.
Grand ménage
Le grand ménage des méninges ne concerne pas seulement la gauche doctrinaire. Si celle-ci a, au moins, entrepris de réduire la distance qui la sépare du monde réel, cette lucidité reste apparemment étrangère aux syndicats, qui ne parlent qu'au nom de 8 % des salariés. La CGT, caste qui s'est appropriée certains services publics, ne représente que 1 % des Français. Le problème de la légitimité de tous ces apparatchiks se pose d'une manière criante, depuis que notre mur de Berlin est tombé. Aussi est-il pénible d'entendre ces organisations mettre en garde contre un passage en force du gouvernement sur le service minimum, notamment à la SNCF. Cette promesse a été approuvée par les Français, soucieux de voir garanties la continuité du service public, leur liberté d'aller et venir et de travailler. Le passage en force a toujours été imposé par ces syndicats intouchables, au détriment des usagers. Or, le droit de grève n'est pas absolu. Il s'exerce « dans le cadre des lois qui le réglementent », dit la Constitution.
Mardi soir, à Nice, le premier ministre, François Fillon, a confirmé qu'une loi-cadre serait votée en juillet. Le ministre du travail, Xavier Bertrand, a promis un service minimum à la SNCF dès le 1er janvier 2008. Reste que l'on n'a toujours pas compris si les trains rouleront les jours de grève, comme promis, trois heures le matin et trois heures le soir. Mardi, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a appelé à la « vigilance ». Faudra-t-il lui rappeler ce que signifie « expression démocratique » ?
La même remarque vaut d'ailleurs pour nombre de syndicats du monde de l'éducation, prêts à s'opposer à l'autonomie de gestion des universités ou à la suppression de la carte scolaire. L'anticapitalisme qu'ils professent généralement, s'il explique le dressage d'une partie de la jeune génération contre la « marchandisation » du savoir, est devenu une curiosité archéologique. La faillite de certains établissements et universités doit beaucoup à cette pétrification mentale.
Deux ans après...
Contrairement à ce qu'a répété cette gauche impossible, ce n'est pas le libéralisme que les nonistes ont sanctionné, il y a deux ans, en rejetant (55 %) la Constitution européenne. Les piteuses performances présidentielles des partis collectivistes et altermondialistes ont démontré la fausseté de l'analyse. Aussi serait-il temps d'atterrir, pour tous ceux qui se réclament encore de l'antilibéralisme et du « josébovisme ». Le 29 mai 2005, les Français ont surtout dit non à une Europe indéchiffrable, sans frontières ni âme. Ils ont fait comprendre, en réplique au discours unique imposant le oui, qu'ils entendaient réhabiliter l'État-nation et faire usage de leur droit de regard. Ces demandes s'imposent toujours à Nicolas Sarkozy, qui envisage de faire ratifier par le parlement un « traité simplifié », présenté hier à Madrid. La méthode ne serait pas comprise si les détails de ce texte devaient échapper à l'examen de l'opinion.
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