texte pris sur http://blog.mondediplo.net/2006-07-24-Pourquoi-un-blog-sur-le-Proche-Orient
Le numéro de juin du Monde diplomatique consacre cinq pages à la guerre israélo-arabe de juin 1967 : « Erreurs tactiques, choc de stratégies », par Henry Laurens.
Henry Laurens est un « spécialiste » du Moyen-Orient et de la question palestinienne. Hélas, son parti pris idéologique biaise singulièrement son propos et ôte à ses écrits toute prétention à l’impartialité. Ainsi, en lisant son article dans le Diplo, vous ne saurez rien sur le rôle des Soviétiques qui, par un rapport en date du 13 mai 1967, font savoir au Caire et à Damas qu’Israël a massé des forces considérables sur sa frontière nord en vue d’une attaque de la Syrie alors qu’il n’en est rien (le Premier ministre israélien a d’ailleurs invité l’ambassadeur de l’URSS à vérifier lui-même la situation le long de la frontière, ce que l’ambassadeur a refusé de faire).
Vous ne saurez pas qu’une fois les troupes de l’ONU évacuées du Sinaï, à la demande de Nasser, les fedayin palestiniens recommencent à lancer des attaques contre Israël à partir de la frontière égyptienne.
Vous ne saurez pas que le gouvernement israélien dit et répète depuis 1957 que la fermeture du détroit de Tiran (c’est-à-dire le blocus du port israélien d’Eilat qui conduirait à terme à l’asphyxie économique de l’Etat hébreu) constituerait un casus belli auquel il serait contraint de riposter.
Vous ne saurez rien de la violence de la propagande arabe ; d’Oum Kalthoum chantant : « Egorge, égorge, égorge et sois sans pitié, Egorge, égorge, égorge, et lance leur tête Dans le désert, Egorge, égorge, égorge Tout ce que tu voudras, Egorge tous les sionistes et tu vaincras »
Vous ne saurez pas que le 27 mai 1967, Nasser fait savoir : « Notre objectif de base est la destruction d’Israël. Le peuple arabe veut se battre » ; que le 28 mai, il déclare : « Nous n’accepterons aucune coexistence avec Israël. Il n’est pas question de l’établissement d’une paix entre les pays arabes et Israël. La guerre avec Israël est une réalité depuis 1948 » ; que le 31 mai 1967, le président irakien Aref enfonce le clou : « L’existence d’Israël est une erreur qui doit être rectifiée. Nous avons maintenant l’occasion d’effacer l’ignominie qui existe depuis 1948. Notre but est clair : effacer Israël de la carte ».
Henry Laurens laisse entendre que l’expression d’« envoyer les juifs à la mer » est une invention sioniste. En réalité, c’est le chef de l’OLP de l’époque, Ahmad Choukeïri, qui avait tenu ces propos. Ce dernier, dans une conférence à Hôtel Continental (Mont Scopus), à la question « Qu’allez-vous faire avec les juifs après la victoire arabe ? » répond tout simplement : « Il n’y aura plus de problème juif ». Quant au roi Hussein de Jordanie, voici le langage qu’il tient à ses troupes : « Résistez, patientez, endurez, persévérez ! Tuez-les là où vous les trouvez, avec vos armes, avec vos mains, avec vos ongles, avec vos dents ! ».
Ce que vous ne saurez pas c’est qu’en Israël, l’effroi et l’angoisse sont tels qu’on creuse des tombes dans les parcs publics en attendant la guerre.
Vous ne saurez rien des chiffres des forces en présence à la veille de la guerre : 215 000 hommes côté arabe (la coalition regroupe l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et l’Irak) contre 125 000 côté israélien, 1520 blindés contre 1050 et 1182 avions contre 326.
Vous ne saurez pas qu’au début de la guerre, il n’y a aucune unité israélienne de première ligne en Cisjordanie, toutes les troupes étant concentrées dans le Sinaï ; qu’Israël n’avait pas l’intention de conquérir la partie orientale de Jérusalem ; que c’est un officier jordanien qui, le matin du 5 juin 1967, a pris seul l’initiative de prendre le quartier général des observateurs des Nations unies situé dans la partie ouest de Jérusalem ; que la Légion arabe (troupe d’élite jordanienne placée sous commandement égyptien) a commencé à bombarder les quartiers juifs de Jérusalem ; que ce n’est qu’alors que les Israéliens ont riposté (après qu’ils aient réitéré leurs demandes au roi Hussein de Jordanie de ne pas intervenir dans le conflit).
Vous ne saurez pas non plus que jusqu’alors, les Juifs ne pouvaient se rendre dans la Vieille ville de Jérusalem qui leur était interdite ; qu’en définitive, si le roi Hussein avait pu ne pas se mêler de la guerre entre Israël et l’Egypte, la Cisjordanie serait probablement toujours jordanienne.
Vous ne saurez rien du refus de la résolution 242 du Conseil de sécurité par l’OLP et par la Syrie, tandis qu’Israël la considère comme une base de travail.
Vous ne saurez rien de la résolution du sommet arabe de Khartoum et des « trois non » restés célèbres.
Vous ne saurez pas, enfin, qu’après 1967, en dépit de l’occupation de la Cisjordanie par Israël, tout le système administratif jordanien est respecté ; que pour la première fois, des universités sont créées en Cisjordanie ; que le niveau de vie de la population palestinienne commence de s’élever significativement ; qu’au départ, la population palestinienne n’oppose que très peu de résistance à l’occupation ; qu’enfin, la perspective de la création d’un Etat palestinien souverain comme solution à la question palestinienne devient possible avec la victoire israélienne, une telle chose étant impensable tant que la Cisjordanie demeurait sous tutelle jordanienne.