Israël, l’agresseur hors Père

Á l'occasion du 40ème anniversaire de la guerre des Six-Jours, l'antisionisme de la gauche (contre-)culturelle ne pouvait pas manquer de manifester sa phobie d'Israël. Il le fit notamment à travers une émission diffusée sur France Inter (la radio de "la différence"), ''2000 ans d'histoire", consacrée au sujet et à laquelle était invité Serge Bernstein pour la revue "L'Histoire", dont ladite émission est partenaire.

Dès le départ, l’animateur culturel donna le ton :

« Ce jour là [le 5 juin 1967], à 7h.10 du matin, prétextant, […] une attaque de l’aviation égyptienne inventée de toute pièce, le ministre de la défense israélienne, Moshé Dayan faisait décoller 300 avions Mirage III et Vautour chargés de détruire au sol la quasi-totalité des aviations égyptiennes, jordaniennes et syrienne. »

Nulle cause, donc, d’autre qu’une fabrication israélienne. On insiste :

« Alors que la guerre des Six-Jours […] était présentée par Moshé Dayan comme une guerre défensive, en réalité, c’est Israël qui lançait l’offensive. »

L'historien, pour sa part, se concentra poliment mais rigoureusement sur les faits :

- L’idée de guerre défensive est justifiée, car le risque qu’une coalition arabe, armée par Moscou, s’apprête à attaquer Israël est très important.
- Gronde, en effet, depuis le printemps 1967, toute une phraséologie arabe annonçant la volonté d’en découdre définitivement avec l’Etat juif, de passer aux actes. Celle-ci est canalisée par Nasser qui tente d’unifier autour de lui un vaste mouvement panarabe.
- L’Egypte abrite Ahmed Choukri, premier chef de L’OLP, qui n’a qu’une obsession : « purifier le monde de sa tare juive ».
- Le 14 mai, Nasser, acclamé par les masses, fait entrer son armée dans le Sinaï et obtient le retrait des Casques bleus qui garantissaient aux Israéliens l’accès au détroit de Tiran.
- Sur le plan territorial, Israël manque de profondeur stratégique et n’a donc pas d’autre choix que de prendre les devants.
- L’intervention israélienne enthousiasmera les foules d’Egypte : « Nous donnerons aux sionistes la leçon de la mort ! »

Mais aux yeux du bon sentiment, les faits sont trop têtus pour être acceptables. Face à l'historien, la mauvaise foi, assurée d'elle-même, de l'animateur culturel emprunta naturellement, en bon petit soldat, la voie du discours pour lequel tout (n')est (que) littérature. Mentalité postmoderne qui, aussi grossière soit-elle, reste la meilleure tournure si l'on désire dénier aux choses leur réalité. L'explosion tranquille de haine ou d'égalitarisme eut lieu principalement à trois moments de ce qui ne fut jamais un entretien (je cite toujours notre animateur) :

« Il [Choukri] parle de la destruction de l’Etat [d’Israël] mais pas forcément de la destruction des Juifs. »

« Moshé Dayan est chargé de préparer une guerre que l’on peut appeler préventive, bien entendu, on ne peut en discuter, puisque l’offensive viendra des Israéliens sans qu’il n’y ait eu d’agression autre que verbale de la part des Egyptiens. »

[La victoire militaire est un échec politique, preuve en est] « la radicalisation du mouvement palestinien qui va prendre son destin en main et même se tourner bientôt vers l’islamisme. » (L’OLP constituait donc jusque-là un mouvement nationaliste de résistance qui, par la force des choses — le colonialisme israélien —, cède à la ferveur religieuse. Notre gentil animateur tint en effet à placer, face à l’historien expliquant l’important exode des Palestiniens en 1948, par la propagande arabe annonçant qu’il valait mieux se mettre à l’abri de la destruction massive (d’Israël) qui allait avoir lieu, — que « c’est aussi parce qu’eux-mêmes [les Palestiniens] ont été victimes de l’armée israélienne. » (De cette mise au point, surgissent alors des images « grand public » de crimes planifiés par l’autorité et justifiant une « résistance ».))

Israël, en somme, a pris ses voisins aux mots. Il n’a sans doute jamais été réceptif au fond métaphorique et fleuri de la prose arabe. Symptôme d’une régression sado-masochiste d’un peuple qui, sous l’impulsion de la mort du Père à Auschwitz, s’est définitivement laissé aller à la conquête agressive, dans la perte du symbolique — perte brandie comme un chantage. La naissance de l’Etat d’Israël qui assume un nom qui n’est que le sien, reniant par là l’émouvante désappropriation identitaire du Juif errant, est l’avènement du Juif primitif. Ses guerres ne sont que les enfantillages pervers d’un Vieillard masquant son impuissance. Avec lui aucune discussion n’est envisageable : il doit agresser l’autre, le saisir dans sa douleur pour jouir d’une identification où il joue la victime.

Telle est une chaîne probable de signifiants appuyant l'imaginaire qui comble les esprits creux d'une gauche régnant sans partage sur le culturel qu'elle tente, à défaut de réflexion, de faire passer pour de la pensée. "Pensée" qui n'est en réalité que misérable venin craché à la face de tous ceux — les empêcheurs de danser en rond — qui ne veulent pas jouer avec elle, mais dont elle a besoin pour faire valoir sa propriété privée : l'humanité totalement émancipée. Après tout, l'inconscient du ressentiment n'est-il pas : "Heureux les pauvres..."

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