"Les faux amis de la cause palestinienne, qui pullulent en Europe, font semblant de croire qu'il suffira d'unifier les Palestiniens contre Israël (pour quelle « victoire » ?) pour mettre fin à cette guerre civile. C'est faux. Même si le terrorisme et les tirs incessants de roquettes sur le sud du pays sont insupportables, Israël n'est pas menacé dans sa survie et ne le sera pas."
Depuis des semaines, sinon même des mois, les médias européens s'interrogent gravement sur le thème « va-t-on vers la guerre civile à Gaza ? » Etrange formule, sans doute inspirée par une forme de politiquement correct, qui voudrait que les Palestiniens soient d'éternelles victimes et jamais, en aucun cas, les acteurs (et les premiers responsables) de leurs propres échecs. Etrange formule, car, en fait, on ne « va » pas vers la guerre civile. On est en plein dedans. Et ce, depuis des mois.
Comment qualifier la situation d'un pays où les services de sécurité officiels affrontent, jour après jour, une milice armée sans existence légale ? Comment juger des affrontements répétés et meurtriers entre « branches armées » des différentes factions politiques en présence ? Comment qualifier un état de fait dans lequel les partisans du Premier ministre (élu) tirent des obus de mortier sur les bureaux du Président (élu), tandis que les amis de ce dernier balancent des grenades sur la demeure du Premier ministre ? Quel est le mot juste ? « Troubles » ? « Incidents » ? « Désaccords » ? A vrai dire – et un écolier de douze ans pourrait répondre à cette question – le qualificatif de « guerre civile » semble bien être le plus approprié.
Donc, l'Autorité palestinienne – et, en tout cas, la Bande de Gaza – est en pleine guerre civile, et celle-ci s'aggrave de jour en jour. Mais d'où vient cette guerre civile ? « Des pressions israéliennes » qui étouffent Gaza, diront les uns, « de l'attitude de la communauté internationale, qui isole le gouvernement légitime du Hamas », prétendront les autres. Allons, soyons sérieux : la guerre civile n'est jamais imposée de l'extérieur (même si des facteurs exogènes peuvent l'aggraver) : elle est toujours et principalement le résultat de graves tensions internes.
L'origine de ces tensions est hélas très claire, même si certains feignent de l'ignorer. Depuis les accords d'Oslo qui ont amené sa naissance, en 1993, l'Autorité palestinienne a connu trois échecs majeurs, qui n'ont fait que s'amplifier au cours du temps.
- Le premier de ces échecs a été le refus de Yasser Arafat d'aller jusqu'au bout de la démarche de paix entamée à Oslo. Il en résulta l'échec de Camp David II, à l'été 2000. Bill Clinton déclara, plus tard, regretter que « Yasser Arafat ait raté l'opportunité de faire exister sa nation ». Un avis partagé d'ailleurs par certains dirigeants palestiniens, et non des moindres, entre autres, le ministre Nabil Amr. Un ancien garde du corps d'Arafat devait révéler que le Raïs avait peur d'être assassiné par les extrémistes de son camp s'il faisait trop de concessions… La conséquence de cet échec fut la continuation du cycle terrorisme/représailles, une succession de heurts et l'aggravation des tensions entre Israéliens et Palestiniens.
- Le deuxième échec de l'Autorité palestinienne a été l'incapacité, malgré de très importants financements internationaux, de développer une activité économique viable et un système éducatif social et sanitaire valable dans les territoires dont elle avait la charge. D'un côté, la population s'est enfoncée dans une misère de plus en plus noire, tandis que, de l'autre, une « élite » qui avait confisqué le pouvoir s'enrichissait scandaleusement.
- Le troisième échec de l'Autorité palestinienne est d'avoir été incapable, malgré des promesses cent fois répétées, d'appliquer les termes de la feuille de route, et, en particulier, de désarmer et dissoudre les milices.
C'est aux conséquences terribles de ce triple échec que nous assistons aujourd'hui. Frustrée de ses espoirs légitimes, maintenue dans la pauvreté et témoin de l'effroyable corruption de tant de ses dirigeants, la population palestinienne a choisi de chasser le Fatah, en janvier 2006, et de porter au pouvoir, avec une large majorité (76 sièges contre 43), un Hamas dont elle attendait une meilleure gestion. Non seulement il n'en a rien été, mais, de plus, l'isolement international a aggravé la crise. Et, aujourd'hui, les milices, qui n'ont jamais été désarmées, font la loi dans les rues de Gaza et de Cisjordanie. Les faux amis de la cause palestinienne, qui pullulent en Europe, font semblant de croire qu'il suffira d'unifier les Palestiniens contre Israël (pour quelle « victoire » ?) pour mettre fin à cette guerre civile. C'est faux. Même si le terrorisme et les tirs incessants de roquettes sur le sud du pays sont insupportables, Israël n'est pas menacé dans sa survie et ne le sera pas.
Les principales victimes de cette guerre civile qui ne dit pas son nom, sont et resteront ces malheureux Palestiniens, qui ont déjà tant souffert et mériteraient d'autres dirigeants.
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