Lettre de Pierre Besnainou,
Président du Fonds Social Juif Unifié et de l'Appel Unifié Juif de France.
Chers amis,
Cette semaine notre Communauté a été agressée, touchée de la manière la plus ignoble et la plus abjecte possible. Nous avons perdu dans la tragédie de l'école Ozar Hatorah de Toulouse ce que nous avons de plus cher : des enfants et un jeune professeur, venus s'installer en France pendant deux ans pour enseigner les valeurs d'ouverture et de tolérance du judaïsme.
Dès les premières informations reçues, le Fonds Social Juif Unifié a fait face à la situation ; une situation inédite par sa barbarie et son caractère ouvertement antisémite : des enfants juifs avaient été abattus de sang froid, en France, devant et dans la cour même de leur école !
Lundi, Jacques Benichou, directeur général, et Patrick Petit-Ohayon, directeur de l'action scolaire, se sont immédiatement envolés pour Toulouse afin d'apporter aide et soutien aux familles des victimes et à la communauté toulousaine.
Marc Abensour, directeur général adjoint, coordonnait à Paris les actions des équipes opérationnelles du Fonds social juif unifié, au sein de la cellule de crise nationale.
Il a tout de suite débloqué les fonds nécessaires pour les premières aides.
A Toulouse, Jacques Benichou et Patrick Petit-Ohayon se sont rendus à l'école et au domicile de la famille Monsonego, si horriblement touchée. Ils étaient accompagnés de Lionel Dufresne, directeur général du réseau Ozar Hatorah, du rabbin Réouven Amoyelle et de Jacqueline Lévy qui assume la direction temporaire de l'établissement.
Au sein de la cellule de crise toulousaine, ils ont répondu aux sollicitations multiples des familles présentes, ont mobilisé l'équipe professionnelle du CASIT (Assistantes sociales, psychologues) et assisté à l'office organisé dans la grande synagogue.
Ils ont également participé à une réunion avec l'Ambassadeur d'Israël, Yossi Gal.
Yvan Lévy, président régional du Fonds Social Juif Unifié, était en relation permanente avec les autorités policières et administratives de la ville. Avec l'aide du Rav Matusof, les responsables de la communauté ont pu limiter la phase d'autopsie des victimes et permettre une inhumation rapide.
Dans la soirée, alors que depuis le matin j'étais tenu informé en permanence du travail effectué par les équipes du Fonds Social Juif Unifié, je me suis rendu sur place, aux côtés de la communauté juive toulousaine. Nous avons participé à la veillée dans l'enceinte de l'école Ozar Hatorah et supervisé le rapatriement des premiers enfants internes dans différentes villes de France : Paris, Nice, Lyon, où réside leur famille. Ces enfants, dont beaucoup avaient assisté au drame, étaient en état de choc, abasourdis par cette violence indicible.
Mardi, la cellule de crise toulousaine réunie et dirigée par Laurent Taieb, notre délégué AUJF, se mettait en action à la première heure pour organiser la venue de familles sur place et le rapatriement des derniers enfants restés pour la cérémonie religieuse.
Les équipes du Fonds Social Juif Unifié et de l'Appel Unifié Juif de France ont acheminé des repas cachers à l'école et à l'hôpital. Elles ont mis en oeuvre des cellules psychologiques avec le concours de professionnels de la communauté.
Le Fonds Social Juif Unifié a pris en charge la quasi-totalité des billets d'avion des familles et des proches à destination d'Israël.
De retour à Paris, Jacques Benichou et Patrick Petit-Ohayon ont organisé dans la matinée avec les responsables du Réseau Ozar Hatorah une réunion avec les enseignants et les parents d'élèves de l'établissement scolaire de la rue des Cordelières.
Luc Chatel, le Ministre de l'éducation nationale était présent.
A 15h, tout le personnel de l'Espace Rachi-Guy de Rothschild s'est retrouvé à l'auditorium pour lire les Tehilim en hommage aux défunts et la guérison des blessés, avant d'observer une minute de silence. La peine, immense, était partout.
Cette minute de silence, je l'ai vécue à Toulouse dans l'école du Gan Rachi, aux côtés des enfants qui pleuraient leurs camarades. Ces petits visages fermés, ces larmes retenues sont à jamais gravés dans ma mémoire.
Il y a eu ensuite le voyage Toulouse - Paris avec les proches des victimes dans l'avion militaire mis à notre disposition par le gouvernement français pour rapatrier les corps. Ce voyage a sans doute été l'un des plus longs et douloureux de ma vie. Le froid de la carlingue, les parents des victimes serrés les uns contre les autres pour se réchauffer, se soutenir, se dire ce que les mots ne savent pas exprimer, ne peuvent pas exprimer, trois petits cercueils et un plus grand. Images terribles, indélébiles.
Le lendemain, mercredi, les équipes du Fonds Social Juif Unifié ont initié une réunion avec les directeurs de toutes les écoles juives de France.
Une seconde réunion a organisé la prise en charge par la cellule psychologique de tous les internes de l'école rentrés à Paris.
Jeudi, la direction de l'action jeunesse réunissait les responsables des mouvements de jeunesse, afin d'étudier les moyens nécessaires au bon déroulement de leurs activités ce chabbat. Des mesures sont à l'étude pour les prochains séjours de vacances.
La direction de l'action scolaire mettait en place pour les premières écoles qui en ont fait la demande, des cellules de soutien psychologique.
Il contactait les trois académies d'Ile-de-France pour installer en priorité des équipes d'urgence sur les six sites du Réseau Ozar Hatorah.
Vendredi, la cellule psychologique a commencé son travail de soutien aux enfants internes de Toulouse dans les locaux de l'Espace Rachi-Guy de Rothschild. En parallèle les équipes régionales du Fonds Social Juif Unifié ont accueilli et prennent en charge les internes qui ont rejoint leur famille à Nice, Lyon et Marseille.
Durant tous ces moments, chacun a pu apprécier la mobilisation totale et le dévouement des équipes du Fonds Social Juif Unifié qui ont mis tout en oeuvre pour assister, dans tous les domaines, les familles et la communauté dans son ensemble. Je tiens à saluer également la mobilisation permanente du SPCJ et de Ron son directeur.
Lundi, après les sept jours de deuil, il faudra nous mobiliser en vue de notre
« reconstruction » communautaire. Les actions opérationnelles du Fonds Social Juif Unifié s'amplifieront dans les prochains jours afin de répondre aux nombreuses sollicitations.
Comme il y a eu un avant, et un après Ilan ; il y a aujourd'hui un avant et un après Toulouse. Ce crime antisémite, guidé par une idéologie barbare va laisser pour longtemps son empreinte sur notre communauté, et de manière plus générale sur la Nation entière. Il n'en demeure pas moins que notre volonté de vivre notre judaïsme, en France et partout dans le monde ne sera jamais ébranlée par personne.
Et si aujourd'hui, devant vous, je prends l'engagement de tirer un enseignement de ce drame, je prends aussi l'engagement de faire plus que jamais de l'Identité, de la Solidarité et de l'Unité, nos priorités d'avenir.
Que la mémoire de Jonathan, Arieh, Gabriel et Myriam soit à tout jamais bénie.
Chabbat Chalom.
Pierre Besnainou